Quand l’entreprise se dote d’un Shadow Comex – AccorHotels

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Le monde change, nul ne le conteste. Mais les entreprises ont-elles le niveau de réactivité, voire de proactivité nécessaire pour être en phase avec l’évolution des nouvelles attentes sociétales, des nouvelles technologies ou encore des nouveaux modèles économiques ?

Parmi toutes les dernières révolutions, il en est une qui bouleverse en profondeur nos habitudes de vie : il s’agit du rapport au digital.

La digitalisation apporte de nouvelles créations de valeurs, change en profondeur nos habitudes, modifie les relations, permet de proposer de nouvelles offres, crée de nouvelles opportunités, mais peut aussi mettre en danger les entreprises qui ne l’intégreraient pas dans leur stratégie.

Face au numérique, les chefs d’entreprise ont généralement 3 réactions. Il y a ceux qui l’ignorent, ceux qui en ont peur et il y a ceux qui l’intègrent dans leur stratégie.

Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne à la gorge – W. Churchill

C’est le cas de Sébastien Bazin, Président Directeur Général d’Accor Hôtels. Nommé en 2013, il fait le constat que le groupe qu’il dirige n’a pas vraiment prêté attention aux dernières (r)évolutions que vivait ce secteur.

Premier groupe hôtelier en France et sixième au niveau mondial, AccorHotels, avec ses 27 marques (Sofitel, Mercure, Ibis…), est pourtant une entreprise plus que prospère qui ne semble pas craindre la concurrence.

L’arrivée sur le marché de sites de réservation et d’hébergements en ligne au début des années 2000 tels que Booking, Expedia, ainsi que des spécialistes de la recommandation comme TripAdvisor, n’a pas véritablement préoccupé ce géant de l’hôtellerie. Pas plus que celle des comparateurs de prix comme Trivago, Liligo ou Easy voyage. Cela peut se comprendre car ces entreprises ne sont pas propriétaires d’hôtels et ne font que proposer une visibilité plus forte, le partage d’avis de clients et des prix plus intéressants pour les consommateurs.

Selon Vivek Badrinath, ancien DGA en charge de la transformation digitale d’AccorHotels, « le secteur hôtelier, au cours des 40 dernières années, est resté passif » face à la digitalisation du secteur, toutes les attentions étant concentrées sur l’amélioration de la « relation physique »[1].

Mais avec l’arrivée de nouvelles plateformes communautaires de partage d’hébergements entre particuliers tels qu’Airbnb, Homelidays ou encore Mamashelter, la donne a commencé à changer. Et pourtant, les géants de l’hôtellerie ne semblaient pas réagir.

Selon Sébastien Bazin, l’industrie hôtelière « n’a rien vu pendant une bonne quinzaine d’années parce qu’on était bourré de certitudes, parce qu’on avait des marques qui étaient solides, parce qu’on avait des standards, parce qu’économiquement ça allait bien et surtout parce que l’arrivée de ces nouveaux acteurs a été perçue comme essentiellement technologique. Donc on a rien fait et on les a laissé prospérer »[2]. Pour quelles raisons ?

Le PDG d’AccorHotels fait alors plusieurs constats. Ces nouvelles entreprises ont plusieurs points communs :

  1. Elles sont toutes construites autour des nouvelles technologies
  2. Elles ont toutes l’ambition de s’adresser au monde entier (de le changer, en mieux)
  3. 90% des fondateurs de ces nouvelles entreprises ont moins de 35 ans
  4. Ces sociétés n’ont pas d’histoire, pas d’inertie, pas de certitudes, pas d’habitudes issues du passé.

Et ce sont certainement ces deux derniers points qui font la différence. Contrairement aux jeunes startup, les grands groupes n’ont pas la possibilité de tout mettre à plat et de reconstruire en partant d’une page blanche. Il leur est difficile de transformer en profondeur leurs organisations pour les rendre plus agiles, tant dans leurs classifications que dans leurs processus décisionnels encore très hiérarchiques, d’éradiquer toute forme de luttes de pouvoirs, de tirer un trait sur leur histoire, leurs habitudes, leurs certitudes, de changer en profondeur leurs modes de pensée. Alors, comment faire ?

A chacun de trouver sa recette. En ce qui concerne le groupe AccorHotels, Sébastien Bazin a décidé, au début de l’année 2016, de créer un « Shadow Comex » (Comité de l’Ombre) constitué de 13 cadres âgés de moins de 35 ans, de 7 nationalités différentes et de métiers différents (marketing, distribution, restauration et revenu management), salariés de l’entreprise depuis 5 à 12 ans, de manière à introduire un nouveau souffle, tout en respectant son héritage et son organisation.

Si tu as une pomme et que j’ai une pomme et que l’on échange nos pommes, nous aurons tous une pomme. Mais si tu as une idée, que j’ai une idée et qu’on les échange, nous aurons chacun deux idées – G-B Shaw

Le rôle du Shadow Comex est d’apporter un nouveau regard, plus actuel, plus moderne que celui des membres du Comex dont la moyenne d’âge est d’environ 50 ans. Non pas que ces derniers soient dépassés mais parce qu’ils n’appréhendent pas le monde de la même manière, ont une histoire, plus de certitudes et plus d’habitudes. Ils ont une expérience et une perception client différentes. Il ne s’agit aucunement d’un contre pouvoir mais de mobiliser différents regards, de mutualiser des compétences à la fois expérientielles et visionnaires.

Les membres du Shadow Comex, désignés pour une durée d’un an, se voient confiés tous les sujets soumis aux membres du Comex (avant qu’eux-mêmes en aient connaissance) pour qu’ils puissent faire part à ces derniers de leurs points de vue, des décisions stratégiques qu’ils auraient prises. Il s’agit avant tout d’être plus audacieux, plus disruptif, plus innovant, en croisant les regards, les idées, les visions de manière à ce que le groupe puisse être plus proactif et plus en avance sur son temps[3].

Selon Fabrice Carré, Secrétaire du Comex « les premières conclusions sont intéressantes. Les membres du Shadow Comex posent en général les bonnes questions, ont le bon diagnostic et nous font prendre du recul ».

Outre le fait que cette initiative permet de valoriser la diversité, de baser la reconnaissance sur la création de nouvelles valeurs et non plus uniquement sur le statut hiérarchique, elle se distingue des récentes approches comme l’holacracy ou encore l’entreprise libérée dans le sens où elle ne remet pas en question l’organisation globale en place.

Le Shadow Comex, tout comme les groupes de réflexions ou de décisions a-hiérarchiques pratiquées par certaines entreprises, libère l’expression d’idées sans remettre en cause « l’ordre existant » ce qui est une solution plus acceptable et mieux adaptée aux grands groupes historiques.

Saluons le courage dont il certainement fallut faire preuve pour faire accepter qu’un groupe de « jeunes collaborateurs » puisse être autorisé à s’exprimer sur des projets stratégiques, l’audace d’avoir malmené un processus décisionnel traditionnel et l’humilité dont ont du faire preuve les membres d’un Comex pour accepter l’idée de ne pas tout savoir et de partager des points de vue avec des collaborateurs moins expérimentés.

Et comme l’évoque Arantxa Balson, Directrice Générale des Ressources Humaines du Groupe, cette démarche « permet à chacun de s’influencer et de s’accompagner mutuellement » ce qui est le propre de l’intelligence collective.

[1] Extrait de la Keynot « Enjeux e-commerce » de la Fevad du 2 juillet 2015 à Paris

[2] Extrait du discours de Sébastien Bazin en octobre 2016

[3] Extrait du discours de Sébastien Bazin lors de la cérémonie de remise du prix d’Or de l’Innovation Digitale

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