La semaine de 4 jours, pourquoi ça marche ?

L’Amérique n’en revient pas ! 12 ans après l’adoption du salaire à 5 dollars par jour (au lieu de 2,4) en 1914, Henry Ford a annoncé, le 25 septembre 1926, sa décision d’appliquer la semaine de 5 jours (au lieu de 6 à l’époque), de huit heures par jour (au lieu de neuf), en maintenant le salaire, après l’avoir expérimentée pendant plus de 3 ans.

Face aux critiques de patrons sidérés et manifestement très inquiets des conséquences que cette initiative sur leur entreprise, cet entrepreneur de légende s’explique, lors d’une interview pour le journal World’s Word en octobre 1926, sur les motifs qui l’ont incité à prendre cette décision qui allait profondément transformer le marché du travail américain dans les années à venir.

Il partage les 2 principales raisons qui, selon lui, légitiment cette évolution.

D’une part, permettre aux salariés de consacré plus de temps aux loisirs, jusqu’alors comme du « temps perdu » ou un « privilège de classe » a un effet positif sur leur bien-être. Les 3 années d’expérimentation de la semaine de 5 jours ont mis en évidence que « les hommes reviennent, après deux jours de repos, frais et dispos, et qu’ils sont capables de mettre leur esprit ainsi que leurs mains immédiatement au travail ».

D’autre part, l’attribution d’un jour de repos supplémentaire aura pour conséquence de booster la consommation des ménages. D’après lui, « les personnes ayant une semaine de 5 jours consommeront davantage de biens que celles qui travaillent 6 jours », et de poursuivre « cela conduira à plus de travail, pour plus de profits et des salaires plus élevés ».

Face aux objections faites par le patronat sur l’incapacité, pour les organisations, de s’approprier ce nouveau rythme de travail, Henry Ford leur répond « si l’objectif fixé est de produire plus en 5 jours que ce nous faisions en 6, alors le management trouvera le moyen de le réaliser ».

Le messe est dite !

La principale raison pour laquelle la semaine de 4 jours permet de mieux concilier épanouissement individuel et performance collective est qu’elle n’est pas un moyen mais un résultat à atteindre, le point de départ de modes d’organisation et de collaboration à repenser.

Deux principaux facteurs ont rendu possible l’adoption de la semaine de 5 jours en 1926, selon Henry Ford : les innovations technologiques et l’appétence des Américains pour le loisir.

Il semble bien qu’un siècle plus tard ces deux conditions soient de nouveau réunies : un haut niveau d’automatisation d’informatisation des activités et un fort engouement pour les loisirs qui sont devenus, aux yeux des Français, plus importants que le travail. En effet, selon un rapport de la fondation Jean Jaurès, l’importance accordée à la valeur travail est passée de la 2ème position (à 60%)en 1990 (après la famille) à la 4ème position (à 24%) en 2021 (après les amis et les loisirs).

Si travailler 4 jours par semaine n’est pas récent, son appropriation par le plus grand nombre devient totalement envisageable, notamment depuis la fin de la crise Covid-19 et apparaît être une réponse mieux appropriée au besoin d’avoir un meilleur équilibre de vie exprimé par les Français.

Cependant, si nous disposons de nombreux retours d’expériences qui mettent en avant les bienfaits d’une répartition plus franche entre le temps consacré à sa vie et au travail, aussi bien du point de vue des salariés que des entreprises, nous n’avons que de très peu d’informations qui nous permettent d’en comprendre les motifs.

C’est sans doute l’une des raisons qui explique qu’une majorité des dirigeants demeurent sceptiques ou n’y croient tout simplement pas, comme ce fut le cas du patronat américain en 1926.

La question n’est donc plus « est-ce que ça marche ? » mais plutôt « pourquoi ça marche ? ».

Quoi de plus légitime de craindre que l’attribution de 47 jours de repos supplémentaires par an, sans perte de salaire, puisse altérer la productivité. C’est la raison pour laquelle Thomas Laborey et moi-même avons décidé il y a 6 mois de mener une étude sur le sujet.

Les résultats de nos recherches auprès d’entreprises qui ont eu l’audace de « sauter le pas » nous ont tellement interpellés que nous avons éprouvé l’envie de les partager dans le cadre d’un livre dont la parution est prévue au début du mois de juin 2023.

Voici, à titre de mise en bouche, quelques-unes des raisons pour lesquelles passer à la semaine de 4 jours, « Ca marche » mais aussi, parce qu’il faut savoir « raison garder », celles qui font que cela peut ne pas marcher.

  • Une condition incontournable : le maintien de la productivité

Bénéficier de 47 jours de repos supplémentaires par an pris en charge par l’employeur est un nouveau contrat qui ne fonctionne que s’il repose sur une relation « Gagnant/gagnant ».

Si, de son côté, l’employeur offre ce temps supplémentaire consacré à la vie privée, cela doit se faire avec une contrepartie : celle d’obtenir de la part de chaque salarié qu’il réalise 100% de son travail en 4 jours avec un maintien de la qualité (satisfaction client etc.), de la continuité de service et de la productivité.

Cette condition, non négociable, est l’opportunité d’introduire la notion de pilotage par les résultats plutôt que par la règle pour toutes les fonctions de l’entreprise. En somme, puisque le salaire ne change pas, l’impact sur l’entreprise ne doit pas changer non plus – et nos observations montrent que, bien souvent, elle s’en sort mieux qu’avant, pour les raisons développées plus bas.

En revanche, cela marche moins bien lorsque travailler 4 jours par semaine n’est qu’une option supplémentaire de flexibilité du temps de travail qui vient compléter une variété de dispositifs existants, sans qu’il soit conditionné au maintien de la productivité.

  • La chasse aux distractions et interruptions pour renforcer la concentration

 S’organiser pour traiter en 4 jours ce qui l’était en 5 nécessite de se recentrer sur sa « zone de création de valeur », ce qui légitime d’éradiquer tous les parasites qui freinent la productivité, inutilement chronophages et qui coûtent plus qu’ils ne rapportent.

Ce nouveau rythme de travail est une opportunité de placer en haut de la pile des projets celui de l’optimisation du temps afin de réduire au maximum les distractions (interruptions de collègues ou de responsables sans réel fondement, diminution d’échanges de mails…) pour préserver la concentration.

Garantir le maintien de la productivité en travaillant un jour de moins par semaine est également l’occasion d’encourager la remise en question de nombreuses pratiques collaboratives et procédures, comme, par exemple, le bien-fondé et la durée des réunions (Pourquoi nous réunissons-nous et pouvons-nous y consacrer moins de temps ?) et les reportings (A quoi servent-ils et avons-nous besoin d’autant d’informations ?).

Par contre, cela marche moins si on laisse persister les comportements intrusifs infondés et, notamment, si l’entreprise n’en profite pas pour autoriser les collaborateurs à mettre à l’épreuve l’existant et expérimenter de nouveaux modes de fonctionnement.

  • Le renforcement de l’agilité et de l’employabilité des salariés

Le maintien de la continuité de service, notamment dans les fonctions relationnelles ou intellectuelles, nécessite de développer la polyvalence, le désilotage, la subsidiarité et le compagnonnage.

Cette nouvelle répartition des rôles permet à l’entreprise de devenir plus souple et aux salariés de développer leurs compétences et leur employabilité.

Cela marche moins bien lorsque l’entreprise maintient une organisation Taylorienne.

  • Un plus juste équilibre entre temps individuel et temps collectif

Si le confinement a permis de révéler certains bénéfices du travail à distance, l’engouement pour le télétravail s’est parfois fait au détriment de la cohésion d’équipe, notamment lorsque les salariés peuvent bénéficier de 3 jours ou davantage de travail à distance.

L’appropriation de ce nouveau rythme de travail permet de rééquilibrer le temps consacré au travail en individuel et en collectif.

Cela marche moins bien lorsque l’entreprise laisse la semaine de 4 jours s’organiser de façon individuelle et ne met pas comme garde-fou la primauté du collectif.

  • De nouvelles postures managériales et collaboratives

Comme l’a précisé Henri Ford, c’est au management de s’adapter pour trouver les solutions qui permettent l’appropriation de ce rythme de travail.

Ce projet est par conséquent l’occasion de légitimer une évolution de la culture et des pratiques managériales qui doivent être basées sur la confiance, l’autonomie, la responsabilisation et l’esprit d’équipe, conditions indispensables pour s’approprier dans de bonnes conditions ce nouveau rythme de travail.

Le manager, n’étant pas toujours en capacité d’identifier ce qu’il convient de changer au niveau opérationnel, doit apprendre à lâcher prise et coconstruire avec ses équipes de nouveaux modes de fonctionnement, ce qui est une opportunité pour l’entreprise d’évoluer d’une relation « Parent / Enfant » à « Adulte / Adulte ».

Cela marche moins bien au sein d’entreprises qui continuent d’instaurer un management directif basé sur la prescription et le contrôle.

  • Un corps reposé pour un esprit apaisé

C’est sans aucun doute l’une des principales vertus de l’octroi de 47 jours de repos supplémentaire par an.

En effet, contrairement à la réduction du nombre d’heures travaillées sur le même nombre de jours ouvrés (de type 35 heures etc.), cette rupture plus franche et régulière permet de couper court à un phénomène qui s’amplifie : celui de devoir glisser dans ses heures ouvrables des tâches personnelles (véhiculage d’enfants, rendez-vous médicaux, démarches administratives, courses…) et de passer du temps le week-end ou en soirée à préparer ou rattraper des réunions ou des eMails que l’on n’est pas parvenu à traiter aux heures officielles de travail.

Bénéficier d’un temps supplémentaire pour se reposer et prendre soin de soi permet de remettre régulièrement le corps en énergie haute et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles les salariés qui travaillent 4 jours par semaine se disent moins stressés et en meilleure forme pour aborder leur semaine de travail.

Cela marche moins bien lorsque les personnes ne consacrent pas ce jour de repos à leur mieux-être.

En conclusion

Vous l’aurez compris, l’amélioration du bien-être et de la productivité mise en avant par les entreprises qui ont adopté la semaine de 4 jours ne s’obtient pas simplement par une meilleure gestion du temps mais par l’adoption de nouvelles pratiques et postures managériales et collaboratives.

Il s’agit donc d’un projet commun d’innovation managériale qui a pour particularité d’inviter toutes les parties prenantes à trouver des solutions pour trouver un plus juste équilibre entre épanouissement individuel et performance collective, mais aussi de résoudre, en un seul coup d’un seul, des problématiques relatives à l’attractivité, le maintien de l’engagement ou encore à l’allongement de la durée de vie professionnelle.

Nous venons de vous présenter quelques raisons qui permettent d’obtenir les résultats mis en avant dans de nombreux médias. Nous invitons celles et ceux qui souhaiteraient en découvrir davantage en attendant la parution de notre livre et bénéficier des nombreux retours d’expériences d’entreprises telles que LDLC, Acorus, elmy, la C.N.A.V. sur le « comment faire ? » a nous suivre sur notre compte LinkedIn.


SEMAINE DE 4 JOURS

Disponible le 1er juin 2023

Ecrit dans le but de nourrir les réflexions de dirigeants qui souhaitent expérimenter la semaine de 4 jours, ce livre présente :

  • Les bénéfices pour les salariés et les entreprises ;
  • Les conditions de réussite et les écueils à éviter ;
  • Les principes de mise en oeuvre issus de nombreux retours d’expériences ;
  • Des exemples de bonnes pratiques qui permettent de réaliser en 4 jours ce qui était fait en 5, éclairées de nombreux concepts en sciences sociales ;
  • La création des nouvelles valeurs qu’apporte la semaine de 4 jours sur le plan sociétal, psychologique, économique, environnemental et managérial.


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