Le management de l’incertitude : OSER se réinventer grâce à la crise
Parce que la crise fait peur, les entreprises doivent rassurer. Parce que notre monde est devenu volatile, incertain, complexe et ambigu (V.U.C.A.), elles doivent se montrer plus agiles. Parce que la concurrence fait rage, elles doivent savoir se démarquer.
Plus méfiants, mieux informés, plus économes, plus exigeants, les consommateurs sont devenus imprévisibles, volatils et n’hésitent plus à changer leurs habitudes au profit d’offres qui répondent mieux à leurs besoins spécifiques.
Si des entreprises telles qu’Apple, Dyson, Audi, Pernod Ricard, Atoll, Dell, IBM ou des PME françaises telles que FAVI, Lippi ou Poult s’offrent le luxe de tirer parti de ces nouvelles règles du jeu, c’est loin d’être la majorité.
Selon un sondage d’IBM en 2010, 79% des dirigeants mondiaux prévoyaient une très forte augmentation de la complexité du contexte économique dans les 5 années à venir. 49% avouaient que leurs organisations n’y étaient pas préparées.
L’incertitude est devenue une donnée fondamentale à intégrer dans sa stratégie d’entreprise. Face à cette nouvelle donne, les entreprises ont 3 options :
– Attendre sans rien changer, en espérant un retour « à la normale » – s’adapter au mieux aux évolutions, en espérant que ce ne soit pas trop tard ! – anticiper pour créer de nouveaux marchés, répondre aux attentes émergentes ou les impulser.Quels sont les secrets des entreprises qui surfent sur la crise et osent en profiter pour augmenter leurs bénéfices ? Toutes ont un point commun, celui d’OSER se réinventer.
Sommaire de l’article
O, pour Opportunité
S, pour Sérendipité
- Déjouer les freins à l’innovation
- Adapter régulièrement son offre
- Créer la surprise par l’innovation de rupture
E, pour Emergence
- Inviter chaque collaborateur à exprimer de nouvelles idées
- S’inspirer de fonctionnements d’entreprises innovantes
- Positionner l’innovation au cœur de l’entreprise
- Tirer parti du bon sens collectif pour affiner ses prédictions
R, pour Résilience
Pour résumer, le leadership de l’incertitude repose sur 5 capacités
O, pour Opportunité
« On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin » (JW Von Goethe)
Il n’y a qu’une chose qui ne change pas, c’est le changement. Aussi, évoluer en territoire inconnu suppose a minima d’être capable de percevoir les signaux faibles et a maxima d’être l’auteur d’une « innovation de rupture » (minitel, tablette, écran plat…).
Pourquoi certaines personnes voient des opportunités là où d’autres n’y voient que du feu, ou des contraintes ? Savoir anticiper, saisir ou provoquer des opportunités repose sur un état d’esprit (optimisme, curiosité, confiance en soi), des comportements (observation, « réseautage ») et des capacités d’ordre cognitives (pensée latérale, associations d’idées…).
Contrairement au mythe du « génial créatif », tout le monde est capable de savoir saisir des opportunités, à condition de respecter certains principes. En voici quelques uns :
Changer d’état d’esprit
« L’homme sage se crée plus d’opportunités qu’il n’en trouve » (F. Bacon)
Championne du Monde du pessimisme depuis 2011[i], la France attend avec impatience la fin de cette série de crises financières pour « retrouver une activité normale », même si 72% des Français n’y croient pas vraiment[ii].
Cette « sinistrose », largement répandue par nos médias, semble paralyser notre dynamisme économique. Paradoxal lorsque l’on sait que les français font partie des salariés les plus productifs du Monde[iii]. Voici une certitude : ceux qui espèrent retrouver ce qu’ils ont perdu peuvent attendre encore très longtemps.
Souvenez-vous de ce slogan des années 70 « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées« . C’est généralement dans des situations difficiles que les choses changent, rarement quand tout va bien. Il est donc temps de reconstituer les ADN de certaines entreprises de manière à intégrer de nouvelles « règles du jeu ».
Voici quelques pratiques pour développer votre capacité à saisir (ou créer) des opportunités :
Afficher son ambition, pour faire rêver
Tim Cook (Apple) est motivé par une quête quasi platonicienne du beau pour « changer la vie des gens« . Larry Page ne cesse d’être animé par l’envie de faire de Google la « première entreprise d’intelligence artificielle« . Mark Zuckerberg s’imagine faire le « bien de l’humanité en connectant tous les habitants de cette planète« . Leroy Merlin veut « rêver la maison du futur et aider les habitants à la construire« . Avouons que ces fois messianiques sont plus motivantes et sources d’engagements qu’une banque qui viendrait présenter à des milliers de salariés son envie « d’augmenter de 5% sa part de marché sur les comptes sur livret ». Saisir des opportunités suppose de se mettre en condition de concrétiser ses ambitions.
Faire preuve d’optimisme, pour provoquer la chance
Richard Branson, fondateur de Virgin, n’a jamais cessé de croire que tout ce qu’il entreprendrait sera nécessairement couronné de succès, même, et surtout lorsqu’il s’attaque à des domaines dans lesquels il n’a aucune expérience tels que l’aviation (Virgin Atlantic Airways), les téléphones portables (Virgin Mobile) et des voyages dans l’espace (Virgin Galactic). Selon lui, le manque d’expérience n’est pas nécessairement un handicap et peut même représenter un atout (surtout dans un monde en pleine mutation qui nécessite de se libérer de ses a priori). L’opportunité se provoque, elle ne s’attend pas.
S’entourer d’iconoclastes, pour développer un réseau d’idées
C’est au cours de discussions informelles que Steve Jobs eu connaissance d’une petite société d’interface graphique, Industrial Light & Magic qui créait des effets spéciaux pour George Lucas. Fasciné par leurs idées, il racheta l’entreprise et la renomma Pixar. Se créer des opportunités suppose de se constituer un réseau de personnes qui pensent autrement et si possible dans différents domaines.
Etre curieux, pour accroitre son stock d’idées
Il faut s’intéresser à tout ce qui nous entoure et laisser notre cerveau faire le reste. Plus vous vous intéressez à toutes sortes de sujets, plus vous accumulez d’informations, plus vous augmentez la probabilité de créer des liens entre elles (ce que l’on nomme « l’effet Medicis« ) et déceler une opportunité. C’est ainsi que Steve Jobs présente les apports des cours de calligraphie qu’il avait suivi lorsqu’il a pensé à l’ergonomie du Macintosh, qu’Henry Ford a transposé le travail à la chaine pratiqué dans les abattoirs de Chicago dans le secteur automobile. Chez Valeo, toutes les pièces conçues sont décrites de manière la plus simple et la plus concrète possible pour qu’elles soient compréhensibles par tous puis sont intégrées et mises à jour sous forme de fiches dans des banques de données internes, accessibles depuis n’importe quel laboratoire Valeo dans le monde, ceci pour permettre à chacun de se nourrir des évolutions récentes. C’est en visitant le centre de recherche de Xerox que Bill Gates et Steve Jobs ont découvert leurs travaux classés sans suite portant sur une nouvelle ergonomie d’écrans d’ordinateurs : icônes, menus déroulants, superposition des fenêtres, le tout commandé par une souris. Vous connaissez la suite…
Observer ce qui vous entoure, pour identifier les « signaux faibles »
En tant qu’élément d’un système socio-économique, l’entreprise est inéluctablement impactée par les changements de son environnement. Comprendre ce qui change autour de soi permet d’aligner son offre aux nouvelles attentes, quelles soient ou non exprimées.
Conscient de la montée en puissance de la valeur écologie, Toyota a développé dans les années 1990 le moteur hybride. PSA a emboité le pas avec 10 ans de retard. 2 jeunes étudiants ont lancé la marque Faguo en 2009 en s’appuyant sur cette valeur. Pour toute paire de chaussure achetée, 1 arbre est planté. Depuis 2 ans, l’entreprise a planté pas moins de 160.000 arbres en France et en Belgique.
La monté récente du besoin d’individualisation a conduit Citroën a proposer une offre de personnalisation unique en son genre avec sa DS3. Atoll a fait de même avec sa gamme « ma création » où il est possible de créer ses parures et plus récemment de faire fabriquer des branches de lunettes avec des messages personnels. Dans un autre registre, des sociétés telles que Desigual ou L.O.F.T. fabriquent des pièces uniques au monde (vous serez le seul à en avoir).
La méfiance envers les institutions et le système financier ont amené certaines entreprises a miser sur la valeur confiance, telle que la BNP avec son « parlons vrai » en 2011, Edouard Leclerc avec son comparateur de prix en 2006 sur internet puis en 2013 dans ses magasins pour « aider le consommateur à savoir qui est le moins cher« . Zappos, société américaine de vente de chaussures en ligne, n’hésite pas à orienter ses clients vers des concurrents lorsqu’il ne peut répondre à leurs besoins. Contraire à l’esprit commercial ? Bien sur que oui si vous recherchez un profit à court terme. Bien évidemment que non si vous voulez entretenir une relation basée sur la confiance sur le long terme.
Transformer ses peurs en nouvelles idées
« Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne à la gorge » (W. Churchill)
Face à une menace, l’être humain a 3 réactions instinctives : combattre, se soumettre ou fuir. Toutes sont déclenchées par la peur. Or la peur n’a pas pour objectif de nuire mais de faire réagir.
Aussi vaut-il mieux apprendre à tirer parti de ses peurs et de ses doutes plutôt que de se positionner en victime ou les ignorer. Si la peur inquiète, elle peut être aussi le messager de la nécessité de changer. Face à l’incertitude, il convient d’évoluer, de se réinventer, d’innover.
Après 5 ans d’existence, Mikael Hed, Pdg de Rovio éditeur de jeux vidéo, n’avait lancé aucun produit marquant. Au bord de la faillite, il a eu l’idée de miser sur l’arrivée de l’iPhone pour développer un des premiers jeux mobiles, Angry birds, alors que tous les autres développeurs ne le percevait que comme un téléphone. S’il n’avait pas été en danger, il n’aurait peut-être jamais su saisir cette opportunité.
Des entreprises telles que Poult (numéro 2 français du biscuit de 1.850 personnes) ou Chrono Flex (PME de 210 salariés spécialisée dans le dépannage de flexibles hydrauliques), toutes deux mal en point décident de réagir respectivement en 2007 et 2011 en mobilisant tous leurs collaborateurs autour d’idées visant à alléger leur structure hiérarchique et modifier les habitudes de travail pour gagner en agilité et en innovation. Ces deux entreprises se sont lancées dans la « déhiérarchisation » et ont misé sur l’autonomisation de leurs collaborateurs pour être à présent des références nationales en matière d’innovations managériales et de management de l’innovation (220 millions de CA pour Poult et 16 millions pour Chrono Flex en 2012). Ces 2 exemples illustrent parfaitement la possibilité de se réinventer face à la crise en partant sur de nouveau paradigmes tels que « tout le monde à des idées », « on peut faire confiance aux collaborateurs » ou encore « si chacun est impliqué et responsable, la hiérarchie au sens où on l’entend traditionnellement (prescription, contrôle) n’a plus vraiment de sens.
C’est en réaction à une situation financière alarmante que des entreprises comme Dell, IBM et Pernod Ricard ont su se remettre en cause pour faire à présent partie des entreprises les plus innovantes du Monde.
S, pour Sérendipité
« Tout le monde savait que c’était impossible à faire. Puis un jour quelqu’un est arrivé qui ne le savait pas, et il l’a fait » (W Churchill)
Quels points communs existe-t-il entre le four à micro-ondes, la pénicilline, le viagra, l’aspartame, le téflon ou encore le post-it ? Toutes ces inventions ont été trouvées alors qu’on ne les recherchaient pas. Certaines alors que leurs créateurs cherchaient autre chose, d’autres par hasard.
Si les entreprises peuvent organiser des « espace-temps » dédiés à la recherche d’idées (séances de brainstorming…), elles doivent avant tout s’émanciper de leurs préjugés, privilégier l’exploration au détriment de la prévision, mobiliser le plus grand nombre d’acteurs (internes ou externes à l’entreprise) et tester en réel la création de valeur des nouvelles idées, que ce soit en matière de management, de production ou de commercialisation.
Le principe de sérendipité est clairement ancré dans les habitudes de certaines entreprises telles que Google.
Cette démarche pourrait être comparée au processus adopté par les orpailleurs. Explorer le maximum d’idées pour augmenter sa capacité à trouver une pépite. Trouver de nouvelles idées suppose de respecter quelques principes.
Déjouer les freins à l’innovation
« La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes » (J-M Keynes)
Avant de s’engager dans une démarche d’innovation, il importe de prendre conscience des phénomènes qui freinent la créativité. En voici quelques uns :
L’expérience :
Paradoxalement, l’expertise ou la position de leader sur un marché peut constituer un frein à l’identification de nouvelles idées (surtout celles qui s’inscrivent en rupture) tout simplement car chaque nouveauté est systématiquement appréciée au regard de l’expérience passée et non en fonction des tendances émergentes.
Nombreux sont ces géants tels que Kodak, Bull, Xerox ou Motorola qui n’ont pas su saisir les tournants alors qu’ils les avaient décelés. Que ce soit par arrogance en ce qui concerne Motorola qui n’a pas voulu miser sur le numérique, convaincue de la supériorité de l’analogique, par négligence de la part de Kodak qui avait bien perçu l’arrivée du numérique mais qui a persévéré dans son schéma de pensée (Kodak a installé 10.000 kiosques numériques dans ses boutiques alors que la véritable révolution portait sur la simplification de stockage des photos sur l’ordinateur personnel et la possibilité d’impression des photos de son choix à son domicile via des petites imprimantes) ou par déni comme se fut le cas de Général Motors qui a nié pendant longtemps le plus grande efficacité des procédés de production de Toyota.
La pression extérieure :
Lors du lancement du 1er Ipad d’Apple, les avis ont été très mitigés. Nombreux furent ceux qui n’y croyaient pas vraiment. Et pourtant, en 2012, il s’est vendu autant de tablettes en France que d’ordinateurs portables. Il est fréquent qu’une idée soit abandonnée au motif que « ça ne marchera pas » sans que l’entreprise ait pris le temps de la tester. On dénombre 3 types de pressions :
La pression structurelle : Il est souvent difficile d’instaurer un esprit « start-up » au sein de grandes entreprises, gouvernées par une structure hiérarchique et des règles incompatibles avec la prise d’initiatives. C’est pourquoi certaines entreprises ont fait le choix d’isoler leurs équipes en charge d’innover de nouvelles offres. Olivier Roussat, DG de Bouygues Telecom, a ainsi volontairement affecté l’équipe dédiée à l’offre B&You dans un immeuble loin du siège et décidé de réduire au minimum la ligne hiérarchique : l’équipe en réfère uniquement au directeur marketing ainsi qu’à lui-même. Libérée des contraintes bureaucratiques, les collaborateurs peuvent ainsi laisser libre court à leur imagination. Il en fut de même lors de la création d’idTGV en 2004. Cette nouvelle structure a été affranchie de la culture SNCF et a eu carte blanche pour bâtir son offre de « pure player » sur le web.
La pression financière : Il ne suffit pas d’avoir des idées, encore faut-il pouvoir la mettre en œuvre. Mais bien souvent, le budget manque. Il existe à présent de nombreuses possibilités, notamment pour les PME, de collecter des fonds. Dernier exemple en date, la petite entreprise « le slip Français » a eu récemment l’idée de créer le 1er slip qui sent bon. Ne sachant pas si ce projet était réalisable, son jeune dirigeant, Guillaume Gibault a soumis son idée sur le site www.mymajorcomopany.com et a pu, non seulement prendre connaissance de l’avis des internautes sur la pertinence du projet mais également récolter plus de 20.000 € sur les 10.000 € sollicités.
La pression sociale : Certaines idées sont parfois en avance ou tout simplement en rupture avec les habitudes. Il est par conséquent fort probable que certaines personnes soient réfractaires au projet. Si votre idée est bonne, allez-y, foncez ! C’est précisément le conseil que pourrait vous donner Sir James Dyson. Ce « serial innovateur » avait soumis en 1996 à des panels l’idée de l’aspirateur transparent sans sac. Les conclusions furent unanimes : mauvaise idée ! (car voir la poussière ferait peur aux consommateurs). Or, nul n’ignore à présent le succès qu’a rencontré ce nouveau produit. Depuis cette expérience, les études de marchés sont proscrites au sein de cette entreprise.
Le raisonnement :
C’est grâce au néocortex que l’être humain a su s’adapter. Nos manières de penser sont fortement ancrées dans notre cerveau et, si certains aiment à les remettre en cause, d’autres n’y voient aucun intérêt (tout du moins tant qu’ils ne sont pas au pied du mur). Il est très difficile d’accéder à la diversité des perceptions et des modes de pensée. En fait, il s’agit plus d’un entrainement que d’un talent. Tout le monde peut faire preuve de créativité, à condition, d’une part d’en éprouver du plaisir et, d’autre part, d’acquérir certaines méthodologies. Pour faire face à la difficulté de penser autrement, certaines entreprises on décidé de former leurs collaborateurs à la créativité. C’est le cas d’Axa qui vient de former 200 salariés représentatifs de tous les métiers à la créativité ou encore de Whirpool qui a formé plus de 30.000 collaborateurs à l’innovation, dont plus de 1.000 sont à présent « ceinture noire ».
Les préjugés :
Beaucoup d’innovations sont stoppées dès que se pose la question de la faisabilité. Les grands innovateurs ont une caractéristique : ils ne se demandent pas « pourquoi c’est impossible » mais toujours « comment faire pour que ce soit possible« . Steve Jobs avait décidé que l’Apple II serait le seul ordinateur silencieux (la ventilation de son ordinateur le gênait lorsqu’il pratiquait ses exercices de méditation). Personne n’imaginait remettre en question l’existence d’un ventilateur dans la mesure où il paraissait indispensable pour éviter la surchauffe. Aucune autre solution n’était envisageable, à moins d’utiliser un système d’alimentation générant moins de chaleur. Steve Jobs se mit en quête d’une personne capable de trouver un autre système d’alimentation. Il fit la connaissance de Rod Holt qui conçut pour lui une alimentation à découpage qui dissipait moins de chaleur et rendait donc superflue l’utilisation d’un ventilateur.
Adapter régulièrement son offre
« Lorsqu’ une œuvre semble en avance sur son époque, c’est simplement que son époque est en retard sur elle » (J. Cocteau)
Innover certes, mais comment identifier les besoins émergents ? Il existe 7 principales démarches :
– L‘étude de marché, dont l’objectif est de confier à un prestataire spécialisé l’évaluation du succès d’un projet. Cette démarche est encore très souvent utilisée mais revêt deux principaux freins. Tout d’abord elle est très onéreuse puis elle dépend du niveau de clairvoyance de l’institut qui se voit confier cette étude. Attention donc à ne pas vivre ce qu’à vécu Procter & Gamble dans les années 60 avec son projet de lancer un liquide vaisselle qui protège aussi les mains des ménagères avant la prolifération des lave-vaisselles. Selon les résultats de cette étude, les ménagères n’étaient pas du tout intéressées. L’idée fut classée « sans suite ». Colgate s’en empara et connu un véritable succès.
– L’enquête de satisfaction, dont le but est d’identifier les axes d’amélioration ou de nouvelles attentes. L’expérience démontre le peu d’intérêt de cet outil pour « bien connaître son client ». D’une part car environ seulement 40% des questionnaires sont retournés (quid de la représentativité ?), ensuite car les documents sont constitués en majorité de questions fermées (quid de la pertinence des questions et de l’expression libre ?) ou encore car il arrive que les personnes qui remettent des questionnaires influencent la notation, comme en à fait part Henri de Bodinat, ancien DG du Club Med, qui s’était aperçu que certains GO demandaient aux GM de mettre de bonnes notes car cela leur permettrait de toucher un bonus.
– L’interview qualitative, dont l’objectif est d’échanger avec un interviewé sur une durée d’une à deux heures sur la base de questions ouvertes. Cette approche permet à l’intervieweur d’être réellement en écoute et de recueillir aussi bien des informations factuelles que des ressentis. Elle offre par ailleurs l’opportunité à l’intervieweur de rebondir en temps réel sur des attentes et d’émettre des hypothèses qui n’étaient pas prévues avant l’entretien et qui sont directement soumises à l’interviewé, pour avis.
– La remonté d’informations du réseau, qui consiste à solliciter en permanence les attentes des clients, sur le terrain. Obnubilée par son désir de coller à la demande des clients, Zara fait remonter de son réseau de distribution toutes les informations lui permettant de répondre au mieux aux attentes exprimées dans les boutiques (impressions, goûts, déceptions et attentes des consommateurs). Ces besoins sont immédiatement pris en compte par les 200 stylistes qui peuvent dans un délai de 2 à 4 semaines, mettre sur le marché des vêtements et accessoires qui répondent aux informations remontées, en plus des 2 collections classiques.
– Le prototypage ou le bêta test, qui consiste à soumettre un ou plusieurs prototypes à un groupe de personnes pour essai et évaluation. Ce fut le cas de Procter & Gamble qui a distribué une cinquantaine de balais électrostatiques Swiffer, ce qui lui a permis de prendre conscience de la très forte satisfaction des utilisateurs (alors qu’une étude de marché préalable indiquait, encore une fois, que cela n’intéresserait pas les consommateurs). C’est également la pratique de Facebook lorsqu’il met en ligne des applications en bêta test, tel que ce fut le cas pour le bouton « like ».
– L‘observation in situ, basé sur le principe de l’étude du lieu de vie de clients ou l’analyse des conditions d’utilisation d’un nouveau produit ou service en situation réelle. Dans l’exemple du liquide vaisselle qui prend soin des mains, c’est le président de Colgate lui-même qui a observé lors de « visites clientes » que les ménagères américaines utilisaient des gants en plastiques pour se protéger les mains. Un grand magasin a mis en place une « journée habitant » dont le but est de permettre à un collaborateur de visiter le domicile d’un client afin d’observer les matériaux et matériels que ce dernier à acheté chez un concurrent (alors qu’il les vend) et lui demander les raisons de ses choix. Menlo Innovation, société américaine d’édition de logiciels, visite les bureaux des personnes qui utiliseront le logiciel de manière à intégrer la manière dont elles fonctionnent dans le développement de la solution informatique. Nestlé fait venir des familles dans des appartements témoins et les filment en train de préparer leur repas pour comprendre comment ils utilisent leurs produits alimentaires. Zildjian, entreprise leader dans la construction de cymbales, fait venir des musiciens pour observer leurs pratiques et leurs réactions.
– La co-créativité. Dernière tendance, celle de solliciter ses clients dans l’expression de leurs insatisfactions, de leurs besoins et/ou la création commune de nouvelles valeurs. Au fond, qui mieux que le client sait ce qui lui correspond ? Prenant conscience des critiques émises par de nombreux internautes sur ses produits, Dell a lancé en 2007 une plateforme Internet intitulée IdeaStorm. Son PDG avait deux objectifs. Le premier reposait sur une stratégie de concentration de l’expression des insatisfactions pour en prendre progressivement la maîtrise au lieu de chercher les informations disséminées sur la toile. Le second reposait sur l’implication des clients dans la recherche de solutions. Le principe est simple : les clients publient une idée, tout le monde vote et les idées les plus populaires sont prises en compte par Dell. En un an, les clients ont soumis près de 9.000 idées, l’entreprise en a appliquée plus de 20. Mais à travers cette plateforme, elle a considérablement modifiée sa relation avec ses clients : plus d’empathie, plus d’écoute et de compréhension des véritables besoins. La première initiative revient à Lego Factory. Grâce à un logiciel de conception virtuelle Lego, les clients peuvent créer leur modèle. Lego choisit les produits les plus appréciés puis les fabriquent en série.
L’entreprise ne connaitra jamais parfaitement ses clients mais celle qui développera une véritable stratégie de proximité et d’implication avec eux saura déceler de nouveaux besoins.
Créer la surprise par l’innovation de rupture
« L’homme raisonnable s’adapte au monde. Celui qui est déraisonnable persiste à vouloir adapter le monde à lui. Aussi tout progrès dépend-il de l’homme déraisonnable » (G.B. Shaw)
Quel entrepreneur n’a pas rêvé de révolutionner son domaine d’activité ? Si l’adaptation de l’offre est un premier pas, imposer ses nouvelles règles du jeu sur un marché est la cerise sur le gâteau. Tel fut le cas pour Dell dans l’informatique, Southwest Airlines dans le transport aérien ou encore Intuit pour les logiciels de finance.
Ces entreprises, et bien d’autres encore telles que le cirque du Soleil ou NetJet font partie des marques qui ont su révolutionner leur secteur. L’innovation de rupture consiste à laisser loin derrière soi ses concurrents qui n’auront d’autre choix que de copier, sans jamais égaler, car ces entreprises ont une particularité : sachant qu’elles peuvent être malmenées à tout moment, elles se sont structurées pour être en « innovation permanente« .
Il existe 4 types d’innovation de rupture :
1 – rupture antagoniste. C’est la stratégie de Dyson qui consacre 10% de son chiffre d’affaires et mobilise 1.500 ingénieurs dans la conception de nouveaux produits de manière « rupturiste » (un aspirateur sans sac, un ventilateur sans hélice…). Pour Sir James Dyson, soit c’est la rupture, soit c’est la poubelle. Il en est de même pour Apple qui a convaincu les maisons de disque de vendre des musiques via sa plateforme Itunes et des chansons à l’unité à des prix suffisamment attractifs pour favoriser les ventes de l’Ipod.
2 – rupture alternative : C’est le cas de la société américaine NetJet qui a inventé le système des avions d’affaires en propriété partagée. Avant sa création, un homme d’affaire avait deux possibilités pour se déplacer en avion. Soit il utilisait les compagnies aériennes traditionnelles en subissant comme tout le monde les horaires, les files d’attente ou encore la course (parfois effrénée) pour avoir sa correspondance. Soit il avait la chance de bénéficier d’un jet privé, ce qui était plutôt rare. Si très peu d’entreprises peut s’offrir un jet privé, plus nombreuses sont celles qui peuvent partager l’achat d’un jet et en disposer à leur guise et bénéficier moyennant cet investissement (d’1/16ème de l’avion) d’une flexibilité dans les horaires, d’une réduction du temps de trajet et d’un élargissement des destinations (5.500 aéroports desservis aux Etats-Unis au lieu de 30 par les compagnies aériennes traditionnelles).
3 – rupture intégrative : C’est le cas de l’Ipod qui a été inventé sur la base d’un nouveau modèle économique qui combine hardware, software et service ou encore comme les Box qui rassemblent des services d’accès à Internet, à la télévision et au téléphone fixe.
4 – rupture associative : C’est le cas de marques qui combinent leurs savoir-faire pour créer un produit qui n’existe pas encore. Vous pouvez à présent grignoter une tablette de chocolat Milka au TUC, déguster le nouveau fromage à la crème au chocolat de Philadelphia (vendu au rayon frais plus cher que du Nutella) ou encore porter un vêtement Cirque du Soleil acheté chez Desigal.
En matière d’innovation de rupture, les méthodes d’estimation et de chiffrage sont généralement inappropriées et aboutissent à des résultats parfois bien loin de toute prévision. Ce fut le cas lors pour le lancement de la Logan dont les estimations étaient au plus bas alors que ce nouveau véhicule est une des plus forte success story de Renault. De même pour la Twingo. Conçue comme seconde voiture familiale, elle a été massivement achetée par les seniors.
E, pour Emergence
« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux » – M. Proust
Si trouver de nouvelles idées repose, comme cela a été évoqué, par une meilleure analyse des signaux faibles, elles peuvent également provenir de l’entreprise. Manager l’innovation repose sur sa capacité d’innovation managériale et plus particulièrement sur son aptitude à « libérer la créativité » et « mobiliser l’intelligence collective ». Il appartient à chaque dirigeant de créer les conditions de l’innovation et il existe de nombreuses approches en la matière.
Inviter chaque collaborateur à exprimer de nouvelles idées
Chaque chef d’entreprise attend de ses collaborateurs qu’ils soient sources d’innovation. Encore faut-il qu’il leur en donne les moyens. Il existe de nombreuses démarches visant à autoriser l’expression d’idées. Elles peuvent être regroupées en 4 familles et structurées autour de 2 axes : individuel /collectif & cadré/libre. Voici quelques pratiques :
1) Individuel/cadré : permettre à chacun d’exprimer des idées on fonction d’un objectif/périmètre prédéfini
L’amélioration continue. Chez Toyota, chaque opérateur a la possibilité (et le devoir) dans le cadre des missions confiées, de rectifier par lui-même (sans en référer au contremaitre) une procédure s’il constate qu’elle est devenue inopérante ou qu’elle peut être perfectible. Plus impliqués, ils bénéficient d’un degré d’autonomie propice à l’innovation car chez Toyota, l’on considère que chaque ouvrier est attaché à la qualité de ce qu’il fait et à envie d’apprendre et de participer au rayonnement de son entreprise.
2) Individuel/libre : permettre à chacun d’exprimer des idées quand il le souhaite
Le réseau social interne. A présent très répandu dans de nombreuses entreprises, le réseau social interne est un outil qui permet aux salariés qui le désirent de soumettre de nouvelles idées. Pour que cette démarche fonctionne, elle doit être basée sur le volontariat et ne pas être cadrée. Chez Orange, environ 1/3 des salariés ont soumis près de 110.00 idées en 5 ans. 9.000 ont été retenues et générées plus de 650 M€. Le procédé est simple : un collaborateur soumet une idée qu’il commente en précisant les coûts et les gains estimés. L’idée est analysée par un expert qui décide, ou non, de la traduire en un projet dont l’auteur fera automatiquement partie de l’équipe projet. Si l’idée est un succès, le collaborateur se verra attribué des « talents », monnaie virtuelle et pourra participer aux « marchés aux idées » qui récompense les meilleures idées de l’année.
Le temps disponible à l’innovation. Tout le monde est d’accord pour affirmer que l’innovation est primordiale mais la quasi majorité regrette d’être noyé par le quotidien et ne pas pouvoir y consacrer du temps. Il faut donc mettre en place un système pour permettre à chacun de s’accorder du temps à la créativité. La société 3M a mis en place dans les années 70 le concept de 15% pour inciter les employés à consacrer ce temps à l’exploration de nouvelles idées. L’idée a été reprise par Google qui permet à des ingénieurs de consacrer 20% de leur temps à des projets de leurs choix, à condition toutefois que le travail prévu à 100% soit réalisé à 80%. Ainsi sont nés Google Earth et Gmail (Google estime que la moitié des innovations trouve sa source dans ces 20%). Hewlett Packard a décidé d’instituer de manière plus formelle le vendredi après-midi à l’exploration de nouvelles idées (environ 10% du temps).
Des concours à l’innovation. Pernod Ricard a lancé en 2011 un concours ouvert aux 18.000 salariés invités à soumettre des idées innovantes. Les volontaires ont pu présenter leurs concepts sous la forme d’une vidéo d’une minute. Plus de 140 dossiers ont été déposés et une dizaine de projets ont prévu d’être financés par un fonds spécial intitulé « Kangaroo Fund ».
3) Collectif/cadré : mobiliser un groupe de personnes sur objectif précis et sur une durée prédéfinie
Il existe de nombreuses méthodes d’animation de la créativité, telles que le brainstorming, les outils de pensée latérale de Edouard de Bono… Pratiquées par des sociétés telles que Microsoft, ces réunions peuvent prendre différentes formes. La démarche peut également être intégrée lors des réunions périodiques d’activité. C’est le cas de l’entreprise Poult qui consacre 10 minutes chaque semaine pour évoquer en groupe de nouvelles idées d’amélioration (précisons que, comme chez Pixmania, ces réunions sont courtes et se déroulent debout)
Au-delà de ces réunions généralement de courte durée, une autre démarche a vu le jour pour associer le plus grand nombre de personnes aux réflexions internes. La plus impressionnante est sans conteste les évènements intitulés « JAM » organisés par IBM depuis 2001. Des milliers de collaborateurs, de clients ou des membres des familles des salariés peuvent participer aux réflexions sur des enjeux prédéfinis via une plateforme Web. Allant de 300 à + de 100.000 participants, cette démarche a pour objectif de recueillir le plus grand nombre d’avis et d’idées qui sont analysés en temps réel et aboutissent à des propositions d’actions. L’OTAN a ainsi pu consulter 4.000 militaires dans 120 pays pour identifier les enjeux de sécurité du XXIème siècle.
4) Collectif/libre : Faciliter la créativité d’un groupe sans objectif prédéfini
Chez WL Gore, des petits déjeuners sont organisés au sein desquels les associés peuvent présenter un livre, un film, un produit ou un service qui les ont marqué et qui n’ont pas forcément de lien direct avec l’activité. Cependant, il arrive que ces récits provoquent de nouvelles idées qui pourraient être bénéfiques pour l’entreprise.
S’inspirer de fonctionnements d’entreprises innovantes
Pourquoi s’échiner à trouver de nouvelles pratiques de management de l’innovation alors qu’il existe tellement de pratiques innovantes adoptées par de nombreuses entreprises françaises et internationales ? Quel mal y aurait-il à en copier certaines ou à s’en inspirer ? Leroy Merlin organise des visites d’entreprises innovantes et demande à des groupes de collaborateurs de rendre compte de pratiques qui pourraient leur permettre de faire évoluer leurs propres pratiques
Positionner l’innovation au cœur de l’entreprise
Le groupe Pernod Ricard, numéro 2 mondial des spiritueux, est devenu en 2 ans (2010/2012) le champion de la nouveauté. Lourdement endetté, son patron Pierre Pringuet a décidé d’impulser une stratégie centrée sur l’augmentation des prix des bouteilles en jouant sur de nouveaux produits. L’entité de recherche a été entièrement réorganisée. Autrefois apporteurs de réponses techniques aux différentes marques, le laboratoire a inversé la tendance et est devenu force de proposition. Les laborantins consacrent à présent 50% de leur temps à l’innovation contre 20% en 2010. Ils organisent désormais chaque année 6 journées intitulées « Show and Telle » où ils présentent aux quatorze marques de nouvelles technologies. Parallèlement, le groupe a constitué un réseau d’innovateurs et des postes de « Directeur de l’innovation » ont été créés dans toutes les filiales.
Tirer parti du bon sens collectif pour affiner ses prédictions
« Aucun de nous ne sait ce que nous savons tous, ensemble » – Euripide
Jusqu’à présent, les entreprises faisaient appel à des experts pour les aider dans leurs estimations. Le flux d’information s’étant considérablement accru et diversifié, il devient hasardeux de repérer l’information pertinente. Il semble que nos modèles de prévision soient devenus inopérants dans un environnement en permanente mutation. Pour preuve, les meilleurs experts se sont révélés incapables de prévoir la crise des subprimes, les attentats du 11 septembre 2001 ou encore la révolution des printemps arabes.
Si le recours aux experts reste pertinent dans certains domaines, le recours au bon sens collectif peut s’avérer plus que précieux, notamment en ce qui concerne la prédiction et les choix à faire dans des situations complexes ou inhabituelles.
Depuis 10 ans, de nombreuses entreprises (Hewlett-Packard, Renault, Google, Arcelor…) ont eu recours aux « marchés prédictifs« , démarche qui consiste à interroger la « sagesse des foules ». La fiabilité de cette approche repose sur la capacité collective à identifier les bonnes options et à faire des prévisions fiables, par l’agrégation des intuitions de multiples individus.
Elle a aussi pour avantage d’impliquer le plus grand nombre (experts, spécialistes et néophytes) dans le processus de décision. Mais comment des non spécialistes pourraient-ils faire des prévisions plus justes que des experts ? Tout simplement parce que chacun à son niveau dispose d’informations qui échappent aux canaux de reporting traditionnels.
Bien utilisées (il y a 5 principes à respecter), les prévisions des foules se révèlent régulièrement plus précises que celles des meilleurs experts. Les prévisions météo à 5 jours des marchés prédictifs sont, de manière récurrentes, plus fiables que celles des météorologues à 3 jours. Le site de vente en ligne Best Buy a lancé un marché prédictif pour évaluer le nombre prévisionnel de ventes de cartes de vœux. Les estimations ont été justes à 0,1% alors que son équipe des ventes s’est trompée de 7%.
Google a sollicité ses collaborateurs par le biais de marchés prédictifs pas moins de 275 fois de 2005 à 2008. Rite Solutions a systématisé ce procédé pour évaluer ses projets d’innovation. Bilan : les projets retenus par la foule sont de véritables succès et rapportent en moyenne 20% à 30% des ventes lors de l’année de lancement. D’après eux, certains projets n’auraient pas dépassé le comité de validation s’ils s’en étaient tenus au processus traditionnel.
R, pour Résilience
« Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé 10.000 solutions qui ne fonctionnent pas » (Thomas Edison)
Considérer l’échec comme un des éléments de la réussite
L’innovation est régie par une loi incontournable bien connue des « capital-risqueurs ». Sur 1.000 idées originales, 100 seulement méritent d’être expérimentées. Sur ces dernières, seules 10 feront l’objet d’un investissement significatif et seulement deux ou trois déboucheront sur une « révolution ». Dans ce cadre, on comprend mieux pourquoi l’échec doit être totalement accepté et faire partie intégrante du leadership de l’incertitude.
Intel a institutionnalisé le principe d’un incubateur de projets dans sa filiale, dédiée à l’innovation de rupture. Le taux d’échec est de 90% mais les 10% restants lui confèrent un leadership durable.
Apprendre de ses échecs
Dans les pays Anglo-Saxons, une personne qui a beaucoup échouée est perçue comme une personne d’expérience. La prise de risque y est valorisée. En France, on ne retient que les échecs !
Chez Valeo, un programme intitulé « Raise » oblige les chercheurs à analyser leurs échecs dans le détail afin de les signaler et d’éviter à d’autres de les reproduire.
Intuit, entreprise d’édition de logiciels, organise une « fête de la défaite » lorsqu’elle s’est plantée sur un gros marché. Son objectif est double. D’une part, dédramatiser et évoquer officiellement l’échec vécu et, d’autre part, inviter chacun à en explorer les causes de manière à éviter de reproduire les mêmes erreurs.
Tirer parti des contraintes et des obstacles
« Le génie est fait d’1% d’inspiration et de 99% de transpiration » (Albert Einstein)
Dans les années 1980, l’entrepreneur indien Tulsi Tanti décide d’installer une usine de textile dans la région du Surat. Difficulté de taille, cette région est mal desservie par le réseau électrique, le coût du combustible absorbe près de 50% de son chiffre d’affaire. Au lieu d’abandonner son projet, Tanti investit dans les années 1990 dans deux turbines à vent. Constatant les bénéfices de cette innovation, il décide d’en faire une activité à part entière. Il crée en 1995 Suzlon Energy, entreprise spécialisée en énergie éolienne, actuellement 5ème producteur mondial.
Rechercher les compétences qui manquent
Il est rare qu’un dirigeant soir compétent dans tous les domaines. C’est faire preuve d’humilité et de discernement que d’aller chercher les compétences là où elles sont. Steve Jobs en a fait une de ses règles d’or. En 2001, il a débauché Ronald Johnson des supermarchés Target et lui a demandé de réfléchir à une nouvelle configuration des ses boutiques. Apple Store est né ou, pour la première fois, les clients sont invités à jouer avec le produit, les employés chargés d’accompagner les clients dans la découverte du produit, faisant naitre ainsi une expérience qui donnera à de nombreux consommateurs de continuer chez eux, après avoir acheté leur matériel.
De nombreuses entreprises n’hésitent plus à faire appel à des spécialistes qui n’ont pas forcément d’expérience dans leur secteur d’activité. Tel fut le cas lorsque Free a demandé à Philippe Starck de concevoir le design de la Freebox Révolution ou Citroën qui a donné « carte blanche » a Orla Kiely, styliste anglaise spécialisée dans le prêt-à-porter, le linge de maison, le mobilier et la bagagerie pour « premiumiser » sa DS3.
Pour résumer, le leadership de l’incertitude repose sur 5 capacités :
1) L’OPTIMISME 2) LA CURIOSITE 3) LE GOUT POUR L’AVENTURE 4) L’AUDACE 5) LA PERSEVERANCE[i] Sondage BVA-Gallup International / déc. 2011
[ii] Baromètre BVA de l’économie / déc. 2012
[iii] Article Le Monde du 06/01/2011 « Les Français travaillent moins mais sont plus productifs »