Comment faire pour renforcer l’engagement « volontaire » des salariés ?

Charles A. Kiesler, psychologue américain, est à l’origine de la « théorie de l’engagement » (1971) dont le but est de clarifier ce qui facilite l’engagement volontaire d’un individu à agir.

https://youtu.be/V5U705e-25M

Selon lui, « seuls nos actes nous engagent : nous ne sommes pas engagés par nos idées ou nos sentiments mais bel et bien par nos conduites effectives ».

Ses différents travaux l’ont amené à identifier 5 facteurs qui favorisent l’engagement « volontaire » :

1 – Le sentiment de liberté : ce facteur désigne le sentiment qu’à l’individu d’être libre de son choix de faire ou de ne pas faire. L’engagement diminue lorsqu’il est contraint ou conditionnel.

2 – L’importance de l’acte pour l’individu : L’engagement sera plus fort si l’acte est important, que ce soit l’acte en lui-même, ses conséquences ou ce qu’il symbolise en termes de valeurs ou de besoins.

3 – Le caractère public : L’engagement est plus fort lorsqu’il est pris sous le regard d’autrui et en ayant déclaré publiquement son identité. Il diminue lorsqu’il est pris sous anonymat et de manière privée.

4 – Le caractère irréversible : l’engagement sera d’autant plus fort que l’acte sera irrévocable.

5 – La répétition de l’acte. L’intensité de l’engagement est proportionnelle à la répétition de l’acte.

Si ces 5 facteurs contribuent à l’engagement dans la vie de tous les jours, les 3 premiers sont particulièrement intéressants à explorer concernant l’engagement professionnel. C’est la raison pour laquelle nous avons pris le parti de nous attacher en priorité aux principes de « choix », « d’importance » et de « révélation publique ».

Lien avec l’innovation managériale

Le management traditionnel prend-il en compte les facteurs de l’engagement ?

Il est extrêmement fréquent d’entendre des dirigeants s’étonner du peu d’engagement de leurs collaborateurs. Cette théorie et notamment l’appréciation du niveau de prise en compte de 3 des 5 facteurs dans les fondements du management traditionnel permet de mieux en comprendre les raisons.

1 – Concernant la notion de choix :

D’un point de vue philosophique, chaque salarié dispose, en tant qu’individu, d’un haut niveau de libre arbitre (surtout dans notre pays) qui fait qu’il est possible d’affirmer qu’il a choisi de rejoindre son entreprise et d’y rester. Certains contesteront cette affirmation au motif que, les concernant, « il fallait bien qu’il mangent » et « il est impossible de quitter cette entreprise du fait du lieu de scolarisation des enfants« . Mais, et même si ce n’est pas facile à entendre pour certaines personnes, il s’agit de deux choix (celui de rejoindre volontairement leur entreprise et celui d’y rester volontairement). Cependant, ce ne sont pas a priori des choix par envie mais des choix par dépit et l’entreprise n’en n’est aucunement responsable.

En revanche, si les salariés ont la liberté de signer (ou de refuser de signer) leur contrat de travail, il est rare qu’ils disposent de la possibilité de choisir ce qu’ils veulent faire et parfois de comment ils veulent le faire, compte tenu du principe de conformité aux prescriptions de l’employeur.

En effet, la pensée bureaucratique, encore extrêmement ancrée dans nos entreprises, et particulièrement le principe de subordination unilatérale hiérarchique, n’intègre pas dans son esprit la notion de liberté de choix car cela risquerait de mettre à mal l’organisation qui demeure de la seule responsabilité (donc du choix) de l’encadrement.

Si certaines entreprises autorisent les collaborateurs à prendre librement des initiatives ou proposer des idées, c’est bien (trop) souvent dans un « cadre » prescrit par l’employeur, comme bon nombre d’entre nous l’ont vécu avec les séances de « Brainstorming ». Et si l’idée suggérée n’entre pas dans les critères, qui ne sont pas toujours explicites, elle est tout simplement rejetée, souvent sans explications, par crainte d’altérer la relation, ce qui est un facteur aggravant du désengagement.

Puisque les salariés ont finalement peu de choix et bien souvent très peu de latitude décisionnelle, il n’est pas étonnant que le niveau d’engagement ne soit pas total ou permanent.

2 – Concernant la notion d’importance :

La pensée managériale traditionnelle considère qu’il est du ressort de l’encadrement de donner du sens et de motiver les collaborateurs à réaliser les missions et atteindre les objectifs définis par l’autorité hiérarchique.

A ce titre, les managers doivent être convaincants, capables de persuader et de provoquer l’adhésion de leurs collaborateurs. Certains diront que l’acte de motivation sous-tend d’inviter les collaborateurs à exprimer s’ils trouvent du sens à ce qu’ils font, à aborder l’importance qu’ils accordent à leur métier, mais dans les faits c’est rarement le cas. En effet, motiver, qui signifie « justifier par des motifs« , est avant tout un acte de persuasion (d’adhérer et de faire ce qui est demandé par l’autorité) et non une attitude d’écoute et d’ouverture à l’autre sur le sens qu’il donne à ce qui lui est demandé et encore moins à l’importance qu’il accorde à son travail.

Pars ailleurs, demander à un collaborateur d’évoquer l’importance qu’il accorde à ce qu’il fait est un exercice extrêmement délicat, voire risqué, car le management dispose de très peu de marge de manoeuvre pour satisfaire une envie ou un besoin qui serait exprimé et qui n’entrerait pas dans le cadre prédéfini par l’entreprise. C’est une des raisons pour laquelle les managers, démunis, n’ont d’autre possibilité d’inciter les personnes qui ne trouveraient pas de sens à ce qu’il font de les « inviter à changer d’emploi ou d’entreprise ».  On imagine très bien le désengagement que peut provoquer ce genre de propos;

Par conséquent, puisque ce sujet est rarement abordé, il ne faut pas s’étonner que certains collaborateurs ne se sentent pas considérés, donc peu, voire pas engagés.

Les deux principaux facteurs d’engagement « volontaire »

3 – Concernant le caractère public

Dans le management hiérarchique traditionnel, la relation étant essentiellement verticale, l’engagement se fait généralement à « huit clos » entre la personne et un ou plusieurs responsables hiérarchiques.

Il n’est pas dans les usages que les engagements soient exprimés « officiellement » en groupe. N’étant pas conséquent pas influencés par le regard d’autres personnes (collègues, pairs…), le respect de l’engagement dépendra de la manière dont il aura été convenu (imposé, négocié…), de la nature de la relation hiérarchique (entente, mésentente) et du système de valeurs de l’individu (respect de la parole donnée, sens des responsabilités…).

Innover en management pour renforcer l’engagement « volontaire »

L’innovation managériale ayant pour but de permettre d’évoluer vers une culture coresponsable basée sur une relation adulte/adulte, la notion d’engagement est essentielle pour pouvoir instaurer une collaboration basée sur la confiance.

Comme le management traditionnel n’intègre pas dans son fondement les facteurs qui favorisent l’engagement, tels que présentés par Charles A. Kiesler, les entreprises ont tout intérêt à faire évoluer toute ou partie de leurs pratiques, de sorte :

D’offrir plus de choix aux salariés

L’innovation managériale permet d’évoluer d’une logique d’imposition basé sur le principe « prescription/persuasion » (je te dis ce que tu dois faire et je te convainc de le faire) à une logique de négociation, basée sur le principe « proposition/déclaration » (je t’évoque ce que l’entreprise attend et je te demande de déclarer ce que tu en penses et ce que tu as envie de proposer, ta contribution…), ce qui suppose de :

  • Clarifier ce qui est soumis à choix (activités, projets, modes opératoires…) et ce qui ne l’est pas (vision, valeurs, contraintes, obligations…) ;
  • Offrir plus d’autonomie dans la manière de réaliser les activités (rester ferme sur le pour quoi et lâcher prise sur le comment) ;
  • Encourager et soutenir les initiatives ;
  • Assouplir l’organisation afin de permettre aux salariés de contribuer à la réalisation d’un projet, de proposer et d’expérimenter une idée, de réaliser des missions ponctuelles différentes des activités récurrentes.

De prendre en considération l’importance qu’accorde une personne à son travail 

L’innovation managériale a pour objectif, autant que faire se peut,  de mieux concilier les attentes des salariés et celles de l’entreprise de manière à trouver un plus juste équilibre entre épanouissement individuel et performance professionnelle. Pour y parvenir, cela suppose de :

  • Baser les relations professionnelles sur des valeurs telles que l’authenticité, la confiance ou encore le partage pour faciliter l’expression ;
  • Instaurer des démarches qui encouragent et autorisent l’expression de ce que les personnes aiment, n’aiment pas, désirent, ne souhaitent pas… ;
  • Clarifier ce sur quoi il est possible d’agir et ce qui ne peut être changé pour éviter des frustrations et intégrer que l’entreprise ne peut pas satisfaire toutes les attentes (principe de réalité) ;
  • D’accepter de remettre en question certains modes d’organisation ou processus si cela permet de mieux concilier les attentes réciproques lorsqu’elles sont bénéfiques pour l’entreprise et les salariés.

D’être plus transparent sur les engagements pris

Contrairement au management traditionnel hiérarchique qui limite l’engagement à la relation hiérarchique, le management coresponsable part du présupposé que l’engagement doit être abordé au niveau de l’équipe et partagé ouvertement entre chacun de ses membres, ce qui nécessite de faire preuve de plus de transparence entre les collaborateurs, aussi bien en ce qui concerne le « faire ensemble » que ‘l’être ensemble ». Ceci suppose de :

  • Limiter l’anonymat au maximum, sauf pour des sujets confidentiels ou individuels sensibles ;
  • Co-construire les conditions de la « déclaration publique » ;
  • Promouvoir le volontariat, notamment sur de nouveaux projets et des missions ponctuelles ;
  • Instaurer des instances et processus collaboratif a-hiérarchiques (modalités de prise de décision, d’expression des désaccords, de validation d’idées…).

Les entreprises qui souhaitent s’engager dans une démarche de renforcement de l’engagement « volontaire » peuvent s’aider de ce diagnostic :

Exemples de pratiques qui intègrent ce concept

  • Fortement impacté par l’émergence des nouvelles technologies, et conscient que les collaborateurs sont les mieux placés pour identifier de nouvelles façon d’agir et proposer de nouvelles offres, Konica Minolta France a décidé de leur offrir une plus forte autonomie d’action et d’initiative. Symbolisée par une carte intitulée « Le pouvoir de transformer« , les collaborateurs qui le souhaitent peuvent à tout moment prendre des initiatives sans validation de la hiérarchie à condition toutefois qu’elles sont conformes à la vision de l’entreprise et ses valeurs. Cette démarche est une manière d’autoriser les collaborateurs à s’engager librement sur un sujet d’amélioration ou d’innovation de leur choix.
  • Insatisfait de l’entretien annuel d’évaluation, Bayard a décidé de le supprimer et de le remplacer par différents moments de partage, dont le « Printemps des échanges« , dont la raison d’être et de permettre aux managers et collaborateurs d’échanger librement sur leurs vécus, leurs ressentis et leurs envies. Cette pratique leur permet d’évoquer en toute transparence ce qui, d’une part, favorise et/ou freine leur collaboration et, d’autre part, représente un moment privilégié pour les collaborateurs qui le souhaitent de s’exprimer sur l’importance qu’ils accordent à leur métier mais aussi aux conditions de travail.
  • Pour favoriser la responsabilisation individuelle et collective, Morning Star a décidé de s’émanciper du principe de fixation d’objectifs par la hiérarchie et a instauré une démarche où chaque collaborateur choisit ce qu’il souhaite apporter à l’entreprise. Si la réalisation de son projet ou de son objectif impacte l’activité de collègues ou nécessite leurs concours, il doit les rencontrer afin de valider au préalable leur autorisation ou engagement. L’issue de ces négociations donne naissance à des  » Lettres d’engagements réciproques entre collègues » qui sont portées à la connaissance de toute l’entreprise. Cette démarche est une illustration de la notion de déclaration publique de l’engagement.

L’innovation managériale a non seulement pour but de créer les conditions pour faciliter l’engagement mais aussi d’instaurer des démarches de responsabilisation sur leur respect.

  • Face à des tensions grandissantes entre médecins et personnel soignant, un centre hospitalier a décidé d’aborder ouvertement ce qui était à l’origine de ces conflits. A ce titre, les équipes ont été invitées à formaliser leurs engagements réciproques (qui doit quoi à qui) puis à évaluer le niveau de respect des engagements, selon un code couleur vert, orange, rouge. Les déclarations se sont faites en public et ont permis de révéler publiquement ce qui était souvent évoqué en privé, donc qui ne pouvait être pris en considération. L’exemple de restitution ci-dessous met clairement en évidence la nécessité d’un changement de comportement de la part des médecins pour que la collaboration, et le service aux patients, soit plus efficace.
Matrice d’appréciation des engagements réciproques

Les français sont-ils engagés ?

Il est souvent fait référence aux études Gallup pour démontrer le désengagement des salariés. Selon cet organisme de renom internationnal, seulement 6 à 9% des français seraient engagés. Doit on se fier à ces sondages ?

Si l’on prête attention aux 12 questions posées, certaines sont en phase avec les facteurs d’engagement proposés par la théorie de Charles A. Kiesler, comme par exemple une question telle que « Mon manager semble s’intéresser à moi en tant que personne » (et encore, que signifie « s’intéresser à moi » ?) mais beaucoup de questions n’ont rien à voir avec la notion d’engagement, comme « J’ai un très bon ami au travail » (aucun rapport avec la notion d’engagement individuel volontaire), « Mes collègues s’engagent à faire un travail de qualité » (et alors, quel est le rapport avec mon engagement ?) ou encore, et là on frôle l’absurde, « Durant les 7 derniers jours, j’ai reçu de la reconnaissance pour avoir fait du bon travail » (et si j’ai reçu un signe de reconnaissance il y a 8 jours ?).

Donc méfions-nous des études de ce type qui démontrent le contraire de ce qu’on mis en avant les salariés français durant le confinement : leur engagement !

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la majorité des français sont engagés mais ils le seraient encore plus si les entreprises innovaient en management.

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