Quand les collaborateurs peuvent choisir des collègues pour les aider à progresser – Proginov
La culture managériale traditionnelle et le système de classification incitent la plupart de nos entreprises à choisir des personnes qui ont un bon niveau d’expertise technique pour des fonctions de management. Or maîtriser un domaine d’activité et animer une équipe sont deux aptitudes complètement différentes.
Lorsque l’on demande à un dirigeant ce qu’il attend d’un manager, sa réponse est souvent « qu’il décline la stratégie au niveau opérationnel, qu’il organise l’activité, fixe les objectifs et évalue les résultats ». Les réponses des collaborateurs sont très différentes. Ils attendent de leur manager « qu’il leur donne du sens, les motive, leur laisse de l’autonomie, les soutienne si besoin et les reconnaisse ».
Animer une équipe est non seulement un métier en tant que tel mais doit aussi être une réelle envie, voire un plaisir. Tout le monde n’a pas la capacité et/ou le désir de composer avec les différentes personnalités, d’être à l’écoute, d’apporter son soutien, d’aider à faire grandir les autres.
C’est pourquoi il semble important de dissocier le management de l’activité et l’animation des personnes. C’est le choix qu’a fait la société Proginov en créant le rôle de « Référent » en complément de celui de « Chef d’équipe ».
Présentation de la pratique
Conscient que tout le monde n’a pas forcément d’appétence pour animer une équipe et, comme l’a évoqué Philippe Plantive, Président de Proginov, soucieux de « lutter contre le cancer qui gangrène nos organisations, à savoir les petits chefs »[1], le Conseil d’Administration a pris la décision de dissocier deux rôles, celui d’organiser et de piloter l’activité au quotidien, confié aux chefs d’équipes, et celui d’accompagner les collaborateurs dans leur épanouissement et leur développement professionnel qui est à présent du ressort des référents.
Cette décision résulte également de la prise de conscience qu’il se pouvait qu’un collaborateur éprouve des difficultés à se confier ou à s’ouvrir à son responsable hiérarchique, pour différentes raisons (problème relationnel, désaccords…), d’où l’intérêt de lui permettre de s’exprimer sur certains sujets en toute sérénité, avec le sentiment d’être vraiment écouté et accompagné.
La raison d’être des référents est de permettre aux collaborateurs, les référés, d’avoir un interlocuteur privilégié a-hiérarchique qui soit à leur écoute sur des sujets différents de l’activité opérationnelle, qui reste du ressort du chef d’équipe. Il a pour principaux rôles de :
- Être à l’écoute du référé pour évoquer des soucis ou des difficultés dont il ne souhaite pas parler au chef d’équipe.
- Faciliter l’appropriation des valeurs et des principes collaboratifs.
- L’accompagner dans l’identification d’actions de développement personnel et professionnel.
- Participer à son entretien d’évaluation (excepté sur la partie métier dont l’appréciation est confiée au chef d’équipe).
Compte tenu du niveau de confiance et d’authenticité requis pour que cette collaboration puisse être pertinente et efficace, les référents ne sont pas désignés par l’entreprise mais élus par les collaborateurs.
Pour se faire, ceux-ci ont été invités à proposer 3 noms de collègues qu’ils aimeraient avoir comme référent. 25 référents ont ainsi été légitimés par le choix des référés, sur la base de leur expérience au sein de l’entreprise et de leur posture.
Si la dissociation des rôles est claire, il reste possible à un chef d’équipe d’être le référent d’un de ses collaborateurs, dans la mesure où ce dernier le demanderait.
Les 25 référents, dont le Président et le Directeur Général, accompagnent en moyenne 10 référés, sachant que les référés sont libres de changer de référent tous les ans.
A chaque fois que le référent rencontre le référé, il rédige un compte rendu dans un système d’information auquel le chef d’équipe et la cellule R.H. ont accès.
Au-delà des rencontres en cours d’année à la demande des référés, les référents participent à l’évaluation de leurs référés dans le cadre de l’entretien annuel, notamment sur l’incarnation des 7 principes collaboratifs MIRACLE, à savoir :
- Management (si le référé est identifié comme ayant une prédisposition à manager).
- Implication (niveau d’engagement et d’initiative).
- Remplaçabilité (partage de ses connaissances et de son expérience pour faire grandir ses collègues).
- Apport au groupe (participation à la vie collective de l’entreprise).
- Compétences (selon l’emploi occupé).
- Leadership (niveau d’influence positive et constructive).
- Empathie (aptitude à se mettre à la place des autres).
L’évaluation de chaque principe collaboratif se fait sur la base de 3 critères (« Tu surperformes » ; « Dans les attendus » ; « Tu peux t’améliorer ») et d’un commentaire général auquel le collaborateur aura accès.
Les référents sont sélectionnés tous les quatre ans afin de permettre à de nouveaux acteurs de l’entreprise d’accéder à ce rôle et à certains référents de laisser leur place s’ils le souhaitent.
Les bénéfices
Le système de référent permet aux référés de s’autoriser à s’exprimer sur certains sujets qu’ils n’avaient pas l’habitude d’aborder avec leurs responsables hiérarchiques, soit parce qu’ils étaient à l’origine ou concernés par les difficultés vécues par les collaborateurs, soit parce qu’ils n’avaient pas la posture d’écoute et de soutien propre aux référents.
La scission entre les rôles de supervision technique et d’accompagnement individuel permet aux personnes de se recentrer sur leurs zones de confort et de plaisir et évite aussi certaines attitudes de « petits chefs » avides de pouvoir. Si le chef d’équipe n’a pas d’appétence pour l’animation, les collaborateurs ont à présent une personne à qui se confier et avec qui évoquer des sujets autres que la réalisation des activités opérationnelles.
Le processus de sélection d’un référent par le référé lui permet de désigner un collègue par choix, ce qui facilite un lien plus propice à l’échange sur des sujets parfois sensibles.
Pourquoi ça marche ?
Les 3 types de leader – Eric Berne
Selon la Théorie Organisationnelle de Berne, un groupe a besoin d’un leader principalement pour organiser les activités d’un groupe au sein d’une organisation.
Dans ce concept, qui étudie le fonctionnement d’un groupe d’individus dans une organisation, le leader est « une personne dont les membres reconnaissent le droit unilatéral de prendre des initiatives, d’imposer des sanctions et de pouvoir les faire respecter, dans le but de structurer l’activité commune« .
Il s’agit donc de la reconnaissance qu’accorde un groupe d’individus à une personne d’influencer et de décider.
Mais dans les faits, le leader joue d’autres rôles : donner du sens, motiver, soutenir… C’est la raison pour laquelle il est intéressant de dissocier 3 types de leaders, tel que le propose Eric Berne, à savoir :
1 – Le leader « responsable »
Il s’agit de la personne nommée officiellement par l’entreprise. C’est une position statutaire dont les responsabilités sont définies par un cadre réglementaire (loi, convention collective, contrat de travail, description de poste…) et qui portent principalement sur les pouvoirs de décision et de moyens.
2 – Le leader « effectif »
Il s’agit d’une personne dont les décisions ont le plus de chance d’être appropriées par le groupe. Cette reconnaissance vient du « bas ». Les leaders effectifs sont les personnes auxquelles les membres de l’équipe font appel lorsqu’ils se heurtent à un aléa opérationnel, notamment lorsqu’il faut faire face à une situation inconnue. Il est reconnu pour son expérience et ses compétences techniques qui lui confèrent une crédibilité opérationnelle.
Il n’est pas désigné officiellement mais choisi implicitement par les membres du groupe et a un impact sur l’action effective de l’équipe.
3 – Le leader « psychologique »
Il s’agit de la personne vers laquelle on se tourne lorsque le leader effectif est dépassé pour trouver une solution d’ordre affectif : apaiser le groupe lors d’une situation source d’anxiété ou aider à résoudre un conflit interpersonnel. Elle ne se désigne pas elle-même mais est choisie par les membres qui lui font confiance et se « soumettent » à ses décisions.
Cette sélection se fait souvent sur la base de l’imagination que l’on se fait de sa capacité à résoudre toute sorte de problèmes et à protéger le groupe face à un danger ou une menace.
Dans les faits, il est assez rare qu’une seule personne puisse assumer pleinement ces 3 rôles. La décision de Proginov d’institutionnaliser un rôle a-hiérarchique de « référent » a permis de dissocier les rôles de leader responsable, effectif et psychologique. Bien que la répartition des rôles entre un « manager » et un « référent » soit un peu différente de la catégorisation d’Eric Berne, cette approche innovante permet de dissocier deux rôles d’animation (« supervision technique » et « accompagnement individuel ») et de les confier à des personnes qui éprouvent du plaisir à les assumer et qui sont reconnues, pour le plus grand bien de tous.
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