Quand les conflits sont gérés entre collègues – Morning Star Company

La performance d’une entreprise repose en grande partie sur la capacité des Hommes qui la composent à s’entendre aussi bien sur le « faire ensemble » (l’organisation) que « l’être ensemble » (la relation). Cependant, croire que des êtres humains peuvent collaborer sans anicroche est illusoire.

En effet, même si un groupe de personnes partage des valeurs profondes telles que la bienveillance, l’empathie, la tolérance ou encore l’esprit d’équipe, les inéluctables tensions, appréhensions et incompréhensions peuvent altérer la collaboration. C’est la raison pour laquelle l’entreprise à tout intérêt à prévoir un processus de gestion des désaccords.

Il est d’usage, lorsque deux ou plusieurs collaborateurs ne s’entendent pas, que la résolution du différent soit du ressort de la hiérarchie mais confier cette mission à un manager revient à les déresponsabiliser les collaborateurs sur la gestion de leur relation.

C’est pourquoi, plutôt que de faire porter cette responsabilité à la hiérarchie, l’entreprise a tout intérêt à inciter les collaborateurs à résoudre à leur niveau leurs divergences de point de vue. C’est de cette volonté qu’est né le processus de gestion des désaccords adopté, dès la création de l’entreprise, par tous les collaborateurs de Morning Star Company.

Présentation de la pratique :

Au moment de la construction de la première usine de Morning Star, Chris Rufer, son fondateur, a réuni ses collaborateurs afin de définir ensemble les principes fondateurs de leur collaboration. Ceux-ci sont mentionnés dans un document de référence intitulé « Colleague Principles » que tous les salariés s’engagent à respecter.

Parmi ces principes figure celui intitulé « Communiquer directement et se mettre d’accord », basée sur l’idée que « personne ne devrait jamais employer la force contre qui que ce soit », quel qu’en soit le motif (différend technique, conflit interpersonnel, mauvais résultats…).

La résolution des désaccords se déroule en quatre étapes :

1 – Recherche de solution à deux :

Une personne qui a un désaccord avec un collègue demande à le rencontrer en privé afin de lui exposer de manière factuelle et objective (sans jugement, ni accusation) son problème et ce qu’elle attend de lui. Suite à cet échange, l’interlocuteur a plusieurs possibilités : il accède à la demande, la refuse ou formule une contre-proposition.

2 – Recherche de solution avec l’aide d’un médiateur commun (un collègue) :

Si les personnes ne parviennent pas à trouver une solution qui leur convienne, elles s’engagent toutes les deux à trouver un collègue susceptible de les aider à résoudre leur différend dès que possible. Ce médiateur les aide à prendre le recul nécessaire pour parvenir à trouver un dénouement. Si son rôle consiste à les accompagner dans la recherche de solution, il n’a cependant aucun pouvoir de l’imposer.

3 – Recherche de solution avec l’aide d’un « collège » de collègues (plusieurs collègues) :

Si la médiation échoue, les protagonistes s’entendent pour réunir plusieurs collègues (entre trois et dix) qui sont compétents pour les aider à trouver une solution (il est conseillé de solliciter des personnes qui disposent d’un bon niveau d’expertise sur le sujet du désaccord et qui connaissent les réalités de l’environnement dans lequel évoluent les deux personnes de manière à disposer d’un point de vue pertinent et réaliste). Tout comme le médiateur, les collègues ont pour rôle de les accompagner dans la recherche de solutions dans le cadre d’une réunion et n’ont aucun pouvoir de décision.

4 – Décision du P.D.G.

Si les deux protagonistes ne sont toujours pas parvenus à trouver une solution, ils doivent solliciter l’intervention de Chris Rufer, le P.D.G. de l’entreprise. A ce titre, ils doivent en formuler la demande écrite et signée au sein de laquelle est explicité le désaccord ainsi qu’un exposé succinct des différents échanges qui ont eu lieu durant les 3 premières étapes. Ce document permet de s’assurer que le processus a bien été respecté la sollicitation du P.D.G.

Le P.D.G. a alors trois possibilités, selon le sujet :

  • Prendre une décision est la formaliser par écrit aux deux protagonistes.
  • Rencontrer les deux personnes ainsi que toutes les personnes ayant participé aux précédentes étapes pour prendre sa décision en fonction des différents points de vue.
  • Désigner une personne à qui il confie la responsabilité de prendre une décision.

Bien évidemment, l’objectif de ce processus est de dissuader les collaborateurs qui sont en désaccord d’aller jusqu’à cette ultime étape.

Bénéfices :

S’il est vrai que ce processus existe parce que Morning Star Company n’a pas de rôle de manager, rien n’empêche les entreprises qui ont des échelons hiérarchiques de s’en inspirer pour renforcer l’autonomie des collaborateurs et d’épargner les managers qui bien souvent ne sont pas à l’aise avec la gestion des tensions entre collaborateurs.

Si les désaccords ne sont pas forcément réglés plus rapidement qu’au sein d’entreprises qui confient cette responsabilité aux managers, l’engagement des différents acteurs fait qu’il est rare que de nouveaux désaccords de même nature se reproduisent.

Le fait de mentionner dans un document visible par le monde entier la manière dont sont gérés les désaccords au sein de l’entreprise est attractif pour les personnes qui souhaitent rejoindre une entreprise qui les considère comme des adultes.

La sollicitation de collègues est plus impactant que la demande d’arbitrage hiérarchique. D’une part, parce beaucoup de personnes attachent plus d’importance au regard et aux avis de leurs collègues qu’à celui d’un responsable hiérarchique et, d’autre part, parce que bénéficier d’une diversité de points de vue de plusieurs personnes qui connaissent le sujet permet d’alimenter la réflexion, de faire plus facilement preuve de discernement et d’adopter le bon comportement.

Pourquoi ça marche ?

Le triangle dramatique

Sur la base de la théorie des jeux psychologiques développée par Eric Berne, Steve Karpman a proposé, en 1968, d’illustrer les 3 rôles habituellement joués par des personnes en cas de désaccord.

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Ce triangle est utilisé pour révéler les jeux psychologiques, souvent inconscients, adoptés par les acteurs qui sont à l’origine des difficultés à trouver de manière à en sortir pour trouver un accord satisfaisant pour les parties prenantes.

Dans un échange, si un des protagonistes joue l’un des 3 rôles du triangle dramatique, les autres personnes joueront automatiquement les autres rôles et, sans le savoir, se manipuleront les uns les autres. Ce jeu psychologique nous offre le choix entre 3 positions inconfortables, limitantes et éprouvante que chacun peut endosser à tour de rôle :

  • La victime : Sa position est « Pauvre de moi ! ». La personne se sent opprimée, impuissante et irresponsable de ce qui lui arrive. C’est pourquoi elle cherche un persécuteur qui serait à l’origine de sa difficulté et parfois un sauveteur pour l’aider à obtenir gain de cause.
  • Le persécuteur : Sa position est « Tout est de votre faute ! ». Il contrôle, blâme, critique, accuse, fait preuve d’autoritarisme et de rigidité. Ce rôle est joué en réaction à la plainte de la victime.
  • Le sauveteur. Sa position est « Laissez-moi vous aider ». La personne se sent dans l’obligation d’aller à la rescousse de la victime. Si l’intention est bienveillante, le sauvetage a souvent des effets préjudiciables car il maintient la victime dans son rôle de victime et ne lui permet pas d’en sortir.

Le processus de gestion des désaccords de cette entreprise a pour but d’aider les personnes à jouer l’un des 3 rôles et la sollicitation de collègues permet de conscientiser ce jeu, sauf évidemment si les collègues jouent inconsciemment le rôle de sauveteur.

L’évocation du désaccord sur la base de faits permet en outre d’éviter d’être trop dans l’affectif, de se dissocier émotionnellement pour aborder la situation et trouver une solution en étant le plus objectif possible.

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