Les 6 paradigmes de l’innovation managériale (synthèse)

« La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes » , a écrit John Maynard Keynes.

Pour quelles raisons certaines entreprises parviennent à mener à bien leurs projets d’innovation managériale et d’autres peinent autant, voire renoncent ?

Copier une pratique managériale innovante et la coller sans avoir créé les conditions de son appropriation est une des principales raisons pour laquelle certaines entreprises échouent.

En effet, puisque l’innovation managériale repose davantage sur « l’être ensemble » (la collaboration Adulte/Adulte) que le « faire ensemble » (les procédés et processus), l’appropriation de ces nouvelles postures et pratiques managériales suppose d’adopter de nouveaux paradigmes managériaux, que ce soit au moment de la conduite du projet, pendant le déploiement des nouvelles pratiques mais aussi après. En voici 6 :

IDENTITE : Des règles (contrat de travail) aux valeurs (contrat collaboratif)

La nouveauté n’étant pas d’ordre organisationnel mais relationnel, l’appropriation de nouvelles pratiques managériales nécessite d’avoir préalablement ancré au niveau identitaire l’état d’esprit que chacun doit adopter pour pouvoir les incarner.

La pensée managériale traditionnelle a pour principe d’utiliser les règles pour adopter de nouvelles pratiques collaboratives. Or, si les règles sont utiles pour structurer l’organisation (faire ensemble), elles ne sont pas faites pour forger un état d’esprit commun, ni animer les relations interpersonnelles (être ensemble) et s’avèrent relativement inefficaces pour permettre aux entreprises d’évoluer dans un environnement en perpétuelle mutation et imprévisible.

C’est pourquoi les entreprises doivent instaurer des « valeur collaboratives » pour constituer un socle identitaire de référence qui précise l’état d’esprit et les attitudes que l’entreprise attend de chacun pour concrétiser la vision.

Les valeurs collaboratives, telles que la confiance, le partage, l’audace ou la responsabilité, non seulement créent du lien entre la vision et les comportements, mais aussi permettent d’autoriser, d’encourager et de soutenir les collaborateurs dans l’appropriation des nouvelles pratiques managériales.

DECLARATION : De la persuasion (Parent/Enfant) à la révélation (Adulte/Adulte)

 Les cultures managériales traditionnelles considèrent qu’il est de la responsabilité du dirigeant et du manager de convaincre les collaborateurs d’adhérer aux changements qu’impulse l’entreprise.

Croire qu’il est possible de persuader tous les collaborateurs d’adhérer inconditionnellement aux changements apparaît, de nos jours, assez utopique et leur demander de se les approprier sans solliciter leurs points de vue ou ressentis présente l’inconvénient majeur qu’il ne permet pas à l’entreprise d’identifier le « degré de maturité d’appropriation » des changements, ni de révéler officiellement les inéluctables freins et résistances.

C’est pourquoi l’entreprise a tout intérêt à inviter les salariés à déclarer officiellement ce qu’ils pensent ou ressentent par le biais de sondages, de forums, de séminaires ou de groupes d’expression. Bien sûr, cela suppose que les salariés se sentent en confiance pour s’autoriser à s’exprimer mais aussi que les managers acceptent d’entendre et de prendre en compte ce qu’ils déclarent.

OUVERTURE : Des Hard Skills (compétences techniques) aux Soft Skills (aptitudes humaines)

Les entreprises sont habituées à mobiliser leurs salariés sur la base de leurs diplômes, leurs expériences et leurs compétences. Si cette pratique « conformiste » a tout son sens dans un environnement linéaire et prévisible, elle devient inadaptée à un monde V.U.C.A. où l’entreprise a besoin de mobiliser tout son potentiel humain pour innover et se différencier.

Outre la prise en charge par les nouvelles technologies d’un certain nombre d’activités autrefois confiées aux êtres humains, les métiers émergents vont nécessiter de la part des entreprises qu’elles apprennent à mobiliser de nouvelles aptitudes, telles que l’ouverture d’esprit, la débrouillardise, l’audace ; l’originalité ou encore la résilience.

L’innovation managériale permet à l’entreprise de révéler des potentiels et des talents jusqu’alors méconnus et aux salariés de prendre conscience et d’expérimenter de nouvelles aptitudes qui, non seulement sont généralement sources de plaisir mais peuvent, une fois acquises, développer leur employabilité.

CO-CONSTRUCTION : De l’instruction de l’expert (Top Down) à la mobilisation de la foule (Bottom Up)

Le management est encore fortement marqué par la pensée unilatérale hiérarchique qui sous-tend que seuls les managers et les experts savent ce qui est bon pour l’entreprise et ont de bonnes idées.

Non seulement cette croyance est erronée mais elle s’avère aujourd’hui contre-productive, notamment parce que la création de nouvelles valeurs est facilitée par la mobilisation et la confrontation de la diversité des points de vue et que les collaborateurs sont les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour eux, l’entreprise et les clients.

C’est pourquoi les nouvelles pratiques managériales doivent privilégier un processus décisionnel en mode « Bottom Up » selon une démarche itérative de propositions du groupe et de validation de l’autorité, de manière à ajuster et adapter les solutions au cadre prédéfini et aux réalités opérationnelles.

ORGANIQUE : De l’organisation mécanique à la collaboration a-hiérarchique

Les organisations de la grande majorité des entreprises sont encore très largement fondées sur la base de la répartition rationnelle du travail en fonction des domaines et des niveaux d’expertise (structure mécanique). Or la division du travail et la centralisation du pouvoir ne permettent pas aux entreprises d’être agiles.

Si certaines entreprises ont la possibilité de remettre en question l’organisation mécanique, c’est loin d’être le cas de la majorité, et plus particulièrement des grandes entreprises et des administrations. Or, il n’est pas nécessaire de revoir l’organisation mécanique pour instaurer de nouvelles pratiques managériales qui peuvent être adoptée par le biais de systèmes organiques a-hiérarchiques, tels que des espaces dédiés à la créativité, des communautés ou des nouveaux rôles.

Dans la mesure où les pratiques managériales innovantes sont instaurées dans le cadre de structures organiques a-hiérarchiques, la découverte de nouvelles capacités se fait sans pression, ni jugement, puisque les personnes sont volontaires et les nouvelles pratiques se font en mode expérimental, sans objectif de performance.

EXPERIMENTATION : De la « maîtrise des risques » au « test & learn »

La plupart des entreprises abordent l’innovation en se fixant des objectifs de performance et en définissant un plan d’actions construit sur l’analyse des risques et le retour sur investissement. Si ce mode de fonctionnement a tout son sens dans un contexte prévisible et stable, il peut être remis en question lorsque l’environnement devient imprévisible et en perpétuelle mutation.

Non seulement il devient difficile d’anticiper l’avenir compte tenu de la complexité actuelle mais en plus se fixer des objectifs de performance peut devenir une source de stress, de doute et de démotivation si les résultats ne sont pas conformes aux prévisions.

C’est pourquoi l’innovation managériale doit être abordée dans une logique d’expérimentation plus que de résultat. Aucune des entreprises que nous connaissons ne s’est imposée d’objectifs de performance lorsqu’elle a décidé d’expérimenter de nouvelles pratiques managériales. Toutes se sont engagées dans ces démarches en se fixant des objectifs d’apprentissage, ce qui leur a permis de s’autoriser à adapter progressivement leurs pratiques, à commettre des erreurs et aussi à échouer.

L’innovation managériale étant avant tout d’ordre culturel, le déploiement de nouvelles pratiques doit se faire en mode « Test & Learn », faire l’objet de retours d’expériences réguliers pour apprendre de ce qui a été vécu et identifier ce qu’il convient de modifier pour faciliter leur appropriation.

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