Ces entreprises qui accordent et valorisent le droit à l’erreur et à l’échec

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Nous vivons dans une société qui sanctionne les personnes qui font des erreurs et valorise celles qui connaissent les succès. Les premières sont soit licenciées, rétrogradées ou mises au placard, contrairement aux secondes qui sont élevées au rang de modèle de réussite, jusqu’au jour où elles commettent des erreurs. Rien d’étonnant à ce que ce rapport à l’erreur soit source de peurs, de stress et de déresponsabilisation dans nos entreprises. Mais certaines ont compris qu’une erreur est aussi une source d’amélioration, voire d’innovation. Considérant qu’elle était rarement intentionnelle, elles ont décidé de faire de l’erreur un levier de dynamisation du bien-être et de la performance.

« Errare Humanum Est ». Sur le principe, tout le monde s’accorde à dire que l’erreur est humaine. Tout simplement parce c’est le propre de l’être humain que d’être faillible et que la perfection n’existe pas (désolé pour ceux qui y croient encore). Mais ce n’est pas parce que ce n’est pas parfait que ce n’est pas perfectible.

Quelle réaction aurait votre patron si, suite à une maladresse dont vous seriez à l’origine, vous vous présentiez à lui, l’air léger, en lui disant « Désolé, je viens de faire une grosse boulette, mais l’erreur est humaine, n’est-ce pas ? ». Sincèrement, nous ne sommes pas convaincus qu’il accueillerait votre mea culpa avec bienveillance, même si « faute avouée est a moitié pardonnée.

La condamnation de l’erreur, une particularité française ?

Saviez-vous qu’aux Etats-Unis, à peu près 40 fois par semaine, lors d’opérations chirurgicales, des médecins se trompent de personne ou de zone corporelle? Qu’entre 1978 et 1990 (toujours aux Etats-Unis) 37 accidents d’avion sont d’origine humaine ? Nous aimerions vous communiquer les chiffres dans notre pays mais malheureusement ces informations sont introuvables. Pour quelles raisons ? Certainement parce qu’en France, l’erreur est difficilement avouable.

83% des français considèrent qu’on dévalorise trop souvent les personnes qui subissent un échec dans la vie professionnelle[i]. Notre pays est le champion du Monde du pessimisme[ii]. Nous sommes perçus par le reste de la planète comme les plus grands râleurs de la planète[iii]. Si nous n’avons pas le trophée de l’intolérance à l’erreur (d’ailleurs il n’existe pas de données chiffrées pour le moment sur ce sujet à notre connaissance), il y a fort à parier que nous sommes dans les premiers.

Contrairement à certains pays comme le Canada, la Suède, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, qui considèrent l’erreur comme source d’apprentissage, la France a un rapport à l’erreur très négatif. C’est pour cette raison qu’une grande majorité d’entreprises vit mal les erreurs commises par leurs salariés et que ces derniers vivent également mal le fait d’en avoir commis. Finalement, tout le monde dans notre pays vit mal l’erreur alors que l’accepter diminue le stress, renforce la convivialité, accroit la capacité d’innovation, optimise l’organisation du travail et développe les compétences.

C’est d’ailleurs ce que pense Bill Gates quand il déclare que « la seule chose qui freine l’innovation en France, c’est la peur de l’échec ». Et même si nous avons quelques patrons tels qu’Antoine Riboud, fondateur de Danone qui « croits beaucoup à la nécessité d’avoir de temps en temps de sérieux échecs. Ca fait rebondir et ça permet d’aller plus loin », ils ne sont pas légion.

C’est la raison pour laquelle il est grand temps de changer de regard sur l’erreur et d’en faire un véritable levier de reconnaissance et de dynamisation positif et constructif au sein de nos entreprises.

Pourquoi acceptons-nous davantage l’erreur dans la vie personnelle que dans la sphère professionnelle ?

Alors que la condamnation de l’erreur est encore très présente dans le milieu professionnel, le rapport à l’erreur a considérablement évolué dans notre vie quotidienne ces 20 dernières années. Pourquoi?

Tout d’abord, parce que grandir avec des injonctions parentales telles que « Sois heureux », « Sois positif », « Sois libre », « Sois tolérant » ou encore « Tout est possible » a un effet totalement opposé aux mots d’ordres éducatifs d’antan tels que « Sois parfait ! », « Sois fort ! » ou encore « Sois le meilleur ! ». Dans notre vie privée, nous avons compris et accepté que la perfection n’existe pas et qu’il n’est pas toujours possible d’être le plus fort et qu’il y a toujours meilleur que soit. Ce nouveau socle éducatif, non seulement nous rend la vie plus agréable, mais évite de nous faire ressentir de nombreuses émotions négatives induites par les injonctions parentales dominantes d’autrefois.

En effet, et c’est là le paradoxe, bien que les intentions eussent été positives, la condamnation de l’erreur et de l’échec est à l’origine de beaucoup de colère, comme par exemple lorsqu’une personne ne respecte pas ce qui doit être fait, de culpabilité, quand il nous arrive de ne pas être à la hauteur de nos attentes, de honte, lorsque vous êtes sensible au regard de l’autre, de jalousie-envie, lorsque les autres arrivent là où vous échouez, de peurs d’être ridicule, d’être rejeté ou de ne pas y arriver. Enfin cela génère du stress (c’est pourquoi la valorisation de l’erreur sera progressivement intégré dans les accords d’amélioration de la qualité de vie au travail). On ne peut pas dire que ces mots d’ordre soient source d’épanouissement personnel, sauf si vous faites partie des rares personnes qui excellent en tout (je taquine, elles n’existent pas ! D’ailleurs je vous mets au défi de trouver une personne qui ne fait jamais d’erreur).

Savez-vous qu’un enfant tombe environ 2.000 fois avant d’apprendre à marcher ? Vous voyez-vous le punir pour cela ? Depuis quelques années, environ 1 couple sur 2 divorce. C’est incontestablement une erreur (ou un échec, nous ferons la différence plus bas). Qui oserait aujourd’hui sermonner un proche d’avoir décidé de mettre un terme à son engagement (pour mémoire, le mariage est un engagement) ? Votre petit chéri revient avec un devoir où il a commis des erreurs. Allez-vous le punir ? Allez-vous lui faire la leçon ou l’encourager à se ressaisir ? A apprendre de ses lacunes ? En tant que parent, ne pensez-vous pas commettre certaines erreurs ? Il y a fort à parier que oui. Faut-il considérer pour autant que vous êtes un mauvais parent ? Bien-sûr que non.

Autrefois le critère d’évaluation d’une vie réussie était la « condition sociale » (pour avoir de la valeur, mieux valait être chirurgien que balayeur). A présent, le bonheur supplante de loin la réussite sociale. C’est certainement pour cette raison que le rapport à l’erreur s’est transformé. Nous ne cherchons plus à l’éviter mais à en faire une source d’apprentissage pour son bonheur. Nous sommes passés d’une perception négative (l’erreur est la manifestation de l’incompétence) à une perception positive (l’erreur nous permet d’apprendre et nous fait grandir).

Cependant, si l’erreur est de plus en plus acceptée (ou plus précisément valorisée) dans la sphère personnelle, on ne peut pas vraiment en dire autant dans la sphère professionnelle, et ce, pour deux raisons principales :

  • Pour l’entreprise, la priorité n’est pas le bien-être des salariés (même si c’est mieux) mais reste la performance,
  • Tous nos modèles de management sont encore ancrés sur le principe de subordination unilatérale et de conformité aux exigences fixées par l’entreprise (le sacro saint principe « Command & Control »), que ce soit sous la forme des valeurs (performance, excellence…), de méthodes (qualité totale, zéro défauts, maîtrise des risques…) et d’outils (procédures, entretien d’évaluation, tableaux de bord, contrôles divers et variés). L’erreur est la référence de non conformité par excellence.

Mais la référence à l’erreur comme critère de « valeur professionnelle » ne se découvre pas en entreprise. Elle commence dès notre plus jeune âge, à l’école.

Bien que certains professeurs considèrent que l’erreur fasse partie intégrante du processus d’apprentissage, le système de notation demeure, pour le moment, le critère d’évaluation du niveau de capacité d’un élève. Que ce soit sous le mode de la « restitution » d’une leçon (apprendre un poème par cœur), du « contrôle des connaissances » (répondre à des questions ou des QCM) ou de la bonne application d’un modèle de référence (structuration d’un raisonnement, application d’une méthode de résolution de problème…).

La « valeur intellectuelle » d’un élève repose finalement sur la notation qu’en fait l’enseignant et ce quelle qu’en soit la forme (chiffres, lettres, mentions…). C’est sans doute pour cette raison que les mauvaises notes sont si mal vécues. Mais si le fait d’apprécier le niveau de maîtrise des connaissances via des notes n’est pas contestable en soi, ce qui l’est davantage c’est le lien que l’on fait entre la note obtenue et la valeur de la personne.

« Faire une erreur » n’est pas « Etre une erreur » or cet amalgame est monnaie courante dans notre société. Si faire une erreur se situe au niveau cognitif (je n’ai pas su faire), être une erreur se situe au niveau identitaire (je n’ai pas de valeur). Tant que cette distinction ne sera pas clairement évoquée, beaucoup de personnes continueront d’avoir un rapport à l’erreur qui sera négatif et chercheront à la masquer, à en rejeter la faute sur les autres ou à en attribuer l’origine à un contexte défavorable.

Pour tirer bénéfice de l’erreur, il faut se comporter en adulte, en assumer les responsabilités pour en tirer les enseignements. Mais nos systèmes positionnent-ils les individus en adultes. Rarement. Qu’il s’agisse du milieu scolaire ou de celui de l’entreprise, élèves et salariés sont mis dans une posture d’enfant (ils doivent respecter les consignes). Enseignants et managers endossent de fait le rôle de parents, chargés de prescrire et de contrôler. Comment attendre d’une personne qu’elle se comporte en adulte et ait un rapport à l’erreur positif alors que nos systèmes les infantilisent, voire les culpabilisent ?

Dissocier erreur, échec et faute

S’engager dans une démarche de management positif de l’erreur suppose dans un premier temps de distinguer les notions d’erreur, d’échec et de faute.

Commettre une erreur signifie se tromper. Aussi, pour qu’il y ait une erreur, il doit y avoir un cadre de référence, une règle ou un mode opératoire. On peut qualifier un acte d’erreur uniquement si l’instruction n’est pas respectée. Pas de prescription préalable, pas d’erreur. L’erreur n’est pas intentionnelle mais peut être la conséquence d’une maladresse, d’une inattention ou d’une incapacité. Elle peut être d’origine humaine ou le fruit d’un processus mal définit, inadapté ou encore survenir lors d’une situation exceptionnelle qui n’a pu être prévue.

L’échec survient lorsqu’un objectif n’est pas atteint. Alors que l’erreur s’apprécie au regard d’une prescription, l’échec se mesure en fonction d’un résultat préalable défini. Si aucun but n’est clairement fixé, il n’y a pas d’échec. On échoue lorsqu’on n’est pas parvenu à respecter son engagement, un objectif, une ambition.

Si l’erreur et l’échec sont rarement intentionnels, la faute est clairement un manquement aux prescriptions, une transgression conscience et volontaire des règles en vigueur. Si l’erreur peut être imputée au procédé, la faute est toujours de nature humaine et constitue un acte délibéré d’insubordination généralement répréhensible par la loi (et encore, nous aborderons plus bas que, dans certaines circonstances, la faute s’avère nécessaire pour atteindre un résultat mais dans ce cas, il n’y a pas d’intention malveillante).

Pourquoi les erreurs sont parfois bonnes pour l’entreprise ?

Plus les entreprises accorderont une importance excessive à la quête d’excellence, la recherche de perfection, la qualité totale… plus elles induiront un rapport à l’erreur négatif.

Dans les cultures élitistes et perfectionnistes, l’erreur et l’échec sont les manifestations de l’incompétence. C’est pourquoi, lorsque des erreurs surviennent, les personnes, par crainte d’être dévalorisées, ont en général 3 réactions, à savoir :

  • Elles les ignorent, les « cachent »,
  • Elles en minimisent la portée,
  • Elles recherchent un coupable (avez-vous remarqué, mais c’est souvent la faute de l’autre si on commet une erreur, ou celle de la conjoncture qui est mauvaise, voire la « faute à pas de chance »).

Dans ces 3 situations, la plupart des personnes ne tire aucun bénéfice de l’erreur et surtout courent le risque qu’elle se réitère à l’identique ou sous une autre forme.

Or l’erreur a une utilité. Elle permet d’apprendre. Si l’erreur est concevable, ne pas en tirer les enseignements est inacceptable. C’est d’ailleurs ce qu’exprime Sénèque. Si « Errare Humanum Est », « perseverare diabolicum » (si l’erreur est humaine, persévérer dans l’erreur est diabolique). Ce qui pose problème n’est pas l’erreur en tant que telle, mais la persévérance de cette même erreur.

C’est pourquoi il n’est pas question d’autoriser l’erreur mais de l’accepter pour s’en servir comme levier d’optimisation de l’existant. Aussi plutôt que de parler de « droit à l’erreur » ou « d’autorisation de l’erreur », nous préférons parler de « valorisation de l’erreur » (dans le sens, lui donner de la valeur).

Car, à bien y réfléchir l’erreur a certaines vertus :

  • elle permet de trouver ce que l’on ne recherchait pas. En effet, bon nombre d’erreurs sont à l’origine de découvertes. Si Christophe Colomb ne s’était pas trompé dans ses calculs, il n’aurait pas découvert l’Amérique. Si Spencer Silver ne s’était pas trompé dans les dosages, il n’aurait pas inventé, par erreur, une colle à faible pouvoir adhésif dont on se sert pour les Post-It. Si Ichiro Endo n’avait pas fait un faux mouvement, son fer à souder chaud ne serait pas tombé sur une seringue d’encre et l’imprimante à jet d’encre n’aurait sans doute pas été inventée. Si le Dr Kellog et son frère n’avaient pas laissé involontairement bouillir et refroidir du blé pendant qu’ils s’occupaient d’autre chose, ils n’auraient pas découvert les céréales. Et des exemples de ce type, il en existe encore beaucoup.
  • elle permet d’améliorer ses performances. C’est en analysant ses erreurs et faisant preuve de persévérance que les personnes améliorent leurs capacités et les entreprises réduisent les coûts générés par des erreurs qui se reproduisent. Imaginez-vous un seul instant qu’il soit possible d’obtenir un haut niveau de performance du premier coup, sans qu’il soit précédé d’une multitude d’ajustements pour obtenir un résultat remarquable ? Cela relèverait de l’utopie. Tous les chercheurs ou les sportifs vous le diraient.
  • elle est propice à l’innovation. Impossible de trouver de nouvelles idées si l’on n’accepte pas de faire des erreurs. D’ailleurs, Thomas Edison, inventeur de l’ampoule électrique le dit très bien : « Je n’ai pas échoué, j’ai simplement trouvé 10.000 solutions qui ne fonctionnent pas ».

Accepter le principe même de l’erreur et impulser une dynamique d’apprentissage des erreurs permet incontestablement d’améliorer les performances d’une entreprise, mais aussi de réduire le stress et améliorer le bien-être.

Parce que les salariés commettront de plus en plus d’erreurs

D’un point de vue théorique, il est possible d’affirmer que l’erreur peut être évitée si les prescriptions sont justes, c’est ce que certains appellent la « maitrise des risques ».

Néanmoins, si l’idée de penser maîtriser un procédé a du sens lorsque l’environnement est stable et prévisible, elle devient utopique dans un environnement incertain et en permanente mutation.

La probabilité de commettre des erreurs dépend donc de l’environnement des entreprises (prévisible ou incertain) mais également des types d’activités confiés aux salariés.

Pour plus de simplicité, classons les activités professionnelles en 2 catégories : les activités dites « algorithmiques » et les activités « heuristiques ».

Une activité « algorithmique » est une suite d’opérations prescrites par l’entreprise qui permet d’arriver à un résultat unique prédéfini. Cette approche est le fruit de la pensée Taylorienne : « Le travail est principalement constitué de tâches simples et peu intéressantes. On ne demande pas aux salariés de les faire évoluer mais de respecter à la lettre ce qui est prescrit. Et pour s’en assurer, il faut les contrôler ». On retrouve ces activités principalement dans les domaines de la production.

Une activité « heuristique », c’est le contraire. Il n’existe pas d’algorithme prédéfini permettant d’aboutir à une solution unique mais plusieurs manières de réaliser des activités en vue d’atteindre des résultats différents.

Par exemple, l’activité de préparateur de commandes relève essentiellement d’activités algorithmiques, alors que celui de concepteur d’une campagne publicitaire relève principalement d’activités heuristiques puisqu’il existe plusieurs manières de mener ce type de campagne en fonction d’une diversité de résultats probables, le tout étant mis entre les mains d’un professionnel qui ajustera ses prévisions au fur et à mesure de l’état d’avancement du projet. On retrouve ces activités principalement dans le domaine du service.

D’après une étude menée en 2005 par le cabinet de consultants McKinsey & Co, les activités algorithmiques ne présentent plus que 30% de la croissance des emplois aux Etats-Unis, contre 70% pour les activités heuristiques. Considérant qu’en France 78,9% des emplois sont issus du secteur tertiaire en 2014[iv], il semble assez évident de déduire que la grande majorité des activités traitées par les salariés sont d’ordres heuristiques. Or, la probabilité de commettre des erreurs est plus élevée dans cette dernière catégorie d’activités, c’est pourquoi il est devenu indispensable de valoriser les erreurs.

Par ailleurs, certaines entreprises, dites « libérées », ont diminué le nombre d’erreurs, tout simplement en réduisant le nombre de procédures à faibles valeurs ajoutées. Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’erreur survient lorsqu’une procédure n’a pas été respectée. Mais combien de procédures ont-elles une réelle valeur ajoutée ? Pourquoi condamner une erreur en référence à une procédure qui n’a aucune utilité ? Et Dieu sait que nos entreprises bureaucratiques sont friandes de procédures. Les erreurs sont donc également des opportunités d’éprouver les procédures de manière à ne garder que celles qui sont essentielles et supprimer celles qui sont devenues superflues.

Les 4 principes de la valorisation de l’erreur

Le management positif de l’erreur, pour être pertinent et profitable aussi bien aux entreprises qu’aux salariés, sous-tend 4 principes à prendre en compte, que nous regroupons sous le terme les « 4A » :

  1. Accepter le risque d’erreur
  2. Ancrer le management positif de l’erreur dans la culture d’entreprise
  3. Anticiper les risques d’erreur avant de s’engager dans l’action (valorisation a priori)
  4. Apprendre de ses erreurs (valorisation a posteriori)

1 – Accepter le risque d’erreur

Soit vous considérez que l’erreur est inenvisageable, soit vous acceptez que nul n’est à l’abri de commettre une erreur. Dans le premier cas, je vous invite à ne pas continuer la lecture de cet article.

D’ailleurs, commettre une erreur peut parfois s’avérer salutaire. Faut-il toujours respecter les prescriptions ? Y déroger serait manifestement considéré comme une faute, comme nous l’avons évoqué plus haut. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. En effet, dans de nombreuses situations, transgresser une règle permet de résoudre une situation qui n’aurait pu être solutionnée sans cette déviance. Prenons un exemple : vous conduisez tranquillement sur une nationale quand vous prenez conscience d’un carambolage juste à quelques mètres devant vous. La seule manière d’éviter l’accident est de franchir la ligne blanche. En agissant de la sorte, vous commettez une faute puisque vous ne respectez pas le code de la route mais vous évitez aussi l’accident. Donc, parfois, la transgression peut s’avérer nécessaire si elle permet d’atteindre un but supérieur (en l’occurrence dans cet exemple, vous sauver tout simplement la vie).

Accepter le risque d’erreur sous-tend un état d’esprit qui se caractérise par des postures telles que :

  • l’humilité, à savoir accepter de ne pas tout savoir
  • l’audace, à savoir oser prendre des risques
  • la tolérance, à savoir accepter que les autres soient différents de soi
  • le partage, à savoir savoir donner et recevoir pour progresser
  • la responsabilité, à savoir assumer les conséquences de ses actes et comportements
  • la résilience, à savoir savoir rebondir et tirer profit de ses erreurs

2 – Ancrer le management positif de l’erreur dans la culture d’entreprise

Comme nous l’avons évoqué, les modes de management traditionnels, du fait du principe « Command & Control », positionnent les salariés dans une posture d’enfant. C’est pour cette raison qu’il est du ressort de l’entreprise de prendre l’initiative d’ancrer dans ses valeurs, sa charte ou tout autre document le principe de valorisation de l’erreur. Voici quelques exemples de formulation :

Certaines entreprises intègrent le management positif de l’erreur au sein de leurs valeurs :

Facebook privilégie l’audace, et de fait, autorise l’erreur à travers son « Hacker Way » (qui traduit la philosophie de cette entreprise) via 4 principes (placardés dans tout le campus) :

  • « Que feriez-vous si vous n’aviez pas peur ? »
  • « Pensez à l’envers, échouez plus fort »
  • « Bougez vite, cassez les codes »
  • « Terminé vaut mieux que parfait »

Il en est de même chez BlaBlaCar qui formule le management positif de l’erreur au sein de ses 10 valeurs d’entreprise dont « Echoue, apprend, réussit » (pour souligner que l’erreur et les échecs font partie de l’apprentissage) et « Ne présume jamais, contrôle toujours » (pour mettre en avant la rigueur nécessaire à l’évitement des erreurs).

Pernod Ricard, l’une des entreprises les plus innovante du monde, fait de même avec sa valeur « Nous reconnaissons la prise de risque et le droit à l’erreur ».

D’autres au sein de chartes : 

La société 3M, afin de créer un environnement de travail sain et stimulant, a intégré dans sa charte « Zen attitude au travail » le principe suivant : « savoir accepter le droit à l’erreur des autres » (formulation plutôt adroite qui met en avant la tolérance comme levier de valorisation de l’erreur).

L’Assistance Public des Hôpitaux de Paris a encouragé le « droit à l’erreur » au sein d’une charte intitulée « Evènements Indésirables Associés aux Soins (EIAS) », charte qui stipule que « chaque professionnel de santé doit signaler sans délai tout incident, accident ou erreur, après avoir mis en œuvre les mesures de sécurité immédiates ». Dans ce document elle recommande aux institutions dans ce document de « Mettre en place un environnement favorable au signalement des EIAS, à la réalisation d’analyses systémiques (centrées sur l’organisation), au retour d’expérience à partir de données anonymisées respectant le secret professionnel, et à l’information transparente des patients ». L’AP-HP s’engage à « promouvoir une attitude éthique et respectueuse à l’égard des personnels par un accompagnement professionnel non culpabilisant et si besoin un soutien psychologique ou juridique ».

Cette préconisation a eu pour effet, par exemple, de systématiser la « check-list » dans les blocs opératoires au cours des différentes phases d’opération, ce qui a permis de diminuer de 57% la mortalité des opérés et de réduire de 36% les complications postopératoires, selon l’Organisation Mondiale de la Santé.

Compte tenu des conséquences dramatiques que peuvent générer certaines erreurs, notamment en ce qui concerne des vies humaines, les dirigeants de certaines entreprises se sont personnellement engagés à soutenir des démarches de valorisation du droit à l’erreur. C’est le cas d’Air France dont les membres du Comité exécutif ont signé un document au sein duquel ils se sont engagés, à titre personnel, à « Encourager les retours du terrain qui décrivent toute situation inhabituelle en rapport avec la sécurité des vols », « reconnaître le droit à l’erreur », « garantir une politique managériale juste et équitable (ni injustement punitive, ni laxiste) », « ne pas entamer de procédure disciplinaire à l’encontre d’un salarié qui aurait spontanément et sans délai révélé un manquement aux règles de sécurité, sauf dans le cas où ce manquement serait délibéré ou répété, ou également révélé par la survenance d’un accident » (pour dissocier erreur et faute).

Dans un autre registre, la société Resources for Human Development (RHD), association américaine d’aide aux personnes en difficulté de 4.600 collaborateurs a mentionné au sein d’une charte intitulée « Droits et responsabilités des salariés et des clients » le mode de pensée propre aux activités heuristiques, qu’elle formalise comme suit : « Notre groupe a choisi de mettre en œuvre un certain nombre de postulats de base. L’un d’entre eux est qu’il y a une multitude de « bonnes » façons de prendre une décision et qu’il n’y a donc pas une seule réalité « vraie » ou « absolue ». Tous les acteurs d’une situation donnée ont leur point de vue sur la réalité et la manière la plus efficace de faire les choses. Ce postulat nous permet de voir que le conflit est inévitable et qu’il est normal qu’il y ait des désaccords dans le travail. Mais si le conflit et les différends sont dans l’ordre des choses, les manifestations hostiles, quelles qu’elles soient, ne sont pas acceptables chez RHD. C’est pourquoi, en tant que membre de la communauté RHD, il est important que vous soyez capable de faire deux choses :

  1. prendre vos distances avec votre besoin d’avoir raison afin de pouvoir entendre et respecter la vérité d’autrui et son point de vue.
  2. faire la distinction entre vos pensées (ce qui se passe dans votre tête) et vos comportements (ce que vous faites ou dites) ».

L’acceptation de la diversité des solutions permet de dédramatiser l’erreur et surtout de ne pas autoriser des comportements désagréables, voire hostiles en réaction à des erreurs d’appréciation.

Ou encore lors de projets :

Dans le cadre de sa nouvelle organisation, la MAIF, mutuelle française de 6.000 salariés, a proposé aux 3.500 salariés concernés de choisir entre 2 options : soit conserver leur métier à condition de déménager, soit rester sur leur lieu géographique mais à la condition d’accepter de changer de métier. C’est alors que les partenaires sociaux se sont inquiétés des garanties que pouvait avoir un salarié s’il ne maîtrisait pas les compétences requises par son nouveau métier. Qu’allait-il lui arriver ? Risquait-il d’être licencié pour insuffisance professionnelle ?

Pour « détendre les esprits », et certainement parce que cette inquiétude était légitime, le DRH, Olivier Ruthardt, a donc signé en 2012 un accord d’accompagnement de ce nouveau schéma directeur au sein duquel il est admis qu’un salarié commette des erreurs, le temps de se faire à son nouveau métier. Cette disposition a semblé tellement évidente que la « tolérance à l’erreur » a été ajoutée à leur nouvel accord sur la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux en 2014 de manière à inciter managers et collaborateurs à tirer parti des erreurs et les considérer comme une source d’optimisation.

Mais pour qu’elles ne restent pas lettre morte et qu’elles s’ancrent dans le quotidien, ces intentions doivent impérativement être déclinées en pratiques opérationnelles telles que celles que nous vous présentons ci-après.

3 –Anticiper les erreurs avant de s’engager dans l’action (valorisation a priori)

Considérer la probabilité de risque d’erreur dans des activités « heuristiques », qui concerne, rappelons le, près de 80% des entreprises, commence par les évoquer avant la réalisation des missions. Il existe différentes manières de prendre en compte les risques d’erreur ou d’échec.

Encourager l’expression des doutes sur la capacité à atteindre le résultat

Il peut arriver que des salariés n’osent pas exprimer leurs doutes ou leurs craintes de commettre une erreur par peur d’être mal perçus ou sanctionnés. Autoriser l’expression des appréhensions et des désaccords réduit de manière significative les risques d’erreur. C’est pourquoi Vineet Nayar, alors Pdg de HCL Technologies, l’une des multinationales indiennes de services IT qui connaît la croissance la plus rapide et la plus forte, a encouragé la « liberté d’expression » sur toute sorte de sujets en développement un forum intitulé « You & I ».

Le principe est simple : les salariés sont invités à poser toutes sortes de question et l’encadrement à y répondre, même (et surtout) s’il ne connaissent pas la réponse.

Au début de sa mise en place, le forum a été inondé de critiques et de plaintes, de discours et d’imprécations visant à montrer que l’entreprise était dans l’erreur. Les commentaires négatifs semblaient intarissables selon Vineet Nayar, mais force fut de constater que la plupart du temps ce qui était dit était vrai. Alors qu’il commençait à remettre sérieusement en question cette démarche, ce Pdg a confié sa frustration à un groupe d’employés. Contre toute attente, les salariés lui ont répondu que « c’était le changement le plus important chez HCLT depuis des années. Maintenant, nous avons une équipe de dirigeants qui est prête à reconnaître que tout n’est pas rose et qui ne prétend pas tout connaître ». Au-delà de la confiance qu’a induit ce dispositif, la possibilité d’exprimer les craintes a permis de poser des actions qui ont limité de manière significative les risques d’erreurs.

Cet exemple de pratique managériale innovante démontre à quel point la liberté d’expression est un premier levier de réduction du risque d’erreur qui, peut ailleurs s’avère d’une grande simplicité et n’est pas très onéreux . Pouvoir parler librement de ses doutes, de ses craintes et de ses insatisfactions est un redoutable levier de dynamisation positive et constructive pour l’entreprise.

Initier des échanges collectifs autour des notions d’erreurs et d’échecs

Aux chartes, certaines entreprises préfèrent initier des débats ouverts sur les erreurs et les échecs, soit dans le cadre de séminaires, d’ateliers soit en concevant des mini modules de formation. Cette mesure « préventive » a pour but de dédramatiser le sujet et surtout d’échanger des perceptions et des bonnes pratiques entre collègue. Par exemple, la société allemande Heiligenfeld de 700 salariés, qui gère 4 cliniques de soins psychiatriques, réunit tous les mardis matin environ la moitié de ses collaborateurs (l’autre moitié s’occupe des patients) pendant une heure environ sur des sujets divers et variés, dont le rapport à l’erreur et à l’échec. Après un rapide exposé en plénière qui présente certaines manières de gérer les erreurs de manière constructive, les participants sont répartis en groupes de 6 à 10 personnes et sont invités à réfléchir sur le sujet. Comment vivent-ils et réagissent-ils face aux erreurs, individuellement, collectivement, au travail mais aussi dans leur vie privée. Chaque groupe élit un facilitateur qui permet de créer les conditions d’un libre échange. Ces échanges permettent de se livrer mais aussi de réfléchir sur soi. A la fin des débats, un micro passe dans la salle et ceux qui le souhaitent peuvent témoigner de ce qui s’est dit au sein de leur groupe. Il n’y a pas de livrable, pas de compte rendu. Il s’agit davantage de donner un point de vue, une expérience, un ressenti et chacun repart de cette réunion avec ce qu’il veut.

Mais la mobilisation de la moitié des salariés pendant plus d’une heure peut paraître trop complexe et couteuse pour la plupart des dirigeants. C’est pourquoi beaucoup d’entreprises organisent des ateliers en petit comité (entre 10 et 30 personnes) d’une à deux heures, dont la participation est basée sur le volontariat, soit en début de matinée (learning meeting), soit le midi (happy lunch), ou dans la journée pour débattre de ce sujet, ou d’autres qui sont liés, tels que la gestion des conflits, des émotions, du stress, de la confiance… Le contenu varie selon les entreprises. Cela peut être un exposé, des mises en situation (entretien de feed-back par exemple), des jeux ou des échanges de bonnes pratiques. Le plus important est finalement d’autoriser et de libérer l’expression sur ce sujet.

Mobiliser toute l’équipe sur l’exploration des risques d’erreur et d’échec avant de s’engager dans l’action

Dans la pensée traditionnelle, il est d’usage de considérer que les décisions soient prises par ceux et celles qui en ont la légitimité statutaire, les plus gradés. Les collaborateurs ayant la responsabilité de les exécuter n’ont pas droit au chapitre. Oui, mais est-il possible de considérer qu’un dirigeant puisse se tromper, commettre une erreur d’appréciation ? Bien sur que oui. C’est pourquoi, sans remettre en cause la compétence du « chef », il est important d’autoriser l’expression des différents points de vue en cas de doute sur la décision à prendre. Par exemple, dans l’aviation, partant du constat qu’il était difficile à un copilote de dire au commandant de bord qu’il se trompait et considérant que le pilote ne disposait pas toujours de toutes les informations, il a été décidé de mettre le pilote et le copilote à égalité dans la prise de décision, donc de gommer volontairement la suprématie hiérarchique. Non pas que le commandant de bord ne soit pas compétent, puisque sa formation et son expérience sont plus importantes que celle d’un copilote, mais parce que l’échange de points de vue, la controverse positive, permettent de réduire l’erreur qu’aurait pu commettre une seule personne.

C’est pourquoi certaines entreprises privilégient l’échange et le partage collectif pour réduire les risques d’erreur.

Par exemple, contrairement à ce que l’on peut imaginer, il est fréquent qu’une équipe d’intervention de notre armée discute librement des conditions de bonne réalisation d’une mission, avant de s’engager dans l’action, surtout lorsqu’on connaît les risques dramatiques qui pourraient arriver suite à une erreur d’appréciation. Les discussions portent autour des équipements, de la répartition des rôles et des tactiques. Une fois que l’équipe est d’accord, chacun s’engage à respecter ce qui a été convenu et à obéir au supérieur en charge de veiller au respect des décisions prises.

Ce processus de décision collectif a priori est également systématique au sein de l’équipe de France de Handball qui rappelons-le est l’équipe sportive la plus titrée de notre pays (2 fois championne olympique, 5 fois championne du Monde et 3 fois championne d’Europe). Si Claude Onesta est incontestablement reconnu par tous comme étant le leader de cette équipe, il a instauré un système de co-gestion où toute l’équipe est invitée à débattre autour des tactiques de jeu avant les matchs. Ce processus est d’ailleurs continu car il est fréquent que l’équipe adapte sa tactique de jeu pendant les matchs si elle constate qu’elle n’est pas efficace.

Il y aussi un phénomène que nous avons constaté lorsqu’une équipe décide d’adopter un projet ou une nouvelle pratique. Après de nombreuses réunions, le projet est décliné en plan d’actions. Tout le monde est satisfait et la mise en œuvre est initiée. Mais il manque une étape avant la mise en œuvre des actions. Nous l’appelons le « Pre Mortem ». Il s’agit tout simplement d’inviter un groupe de personnes (soit celles qui sont à l’origine du projet, soit celles qui sont concernées par sa mise en œuvre, soit d’autres personnes) à répondre à la question suivante : « nous sommes dans 1 an et nous constatons que notre projet est un véritable échec : pourquoi ? ».

Cet exercice permet d’identifier les freins à la mise en œuvre qui n’auraient pu être révélés dans le feu de l’action, là où l’émulation est à son paroxysme et où personne ne prête attention aux risques d’erreurs.

Par exemple, supposons qu’une entreprise décide d’instaurer un système d’évaluation de ses managers par leurs collaborateurs. L’idée est sympathique et disruptive. En plus c’est dans l’air du temps. Se demander pourquoi l’évaluation de la hiérarchie a été un échec permet d’identifier des actions à poser en soutien à la mise en œuvre de ce dispositif. Par exemple, une entreprise a décidé de mettre en place une formation d’une ½ journée pour apprendre aux managers à « recevoir des évaluations négatives sans mal les vivre » (ou selon leurs termes, à « encaisser les coups »). La décision a été également prise de permettre aux cadres intermédiaires d’évaluer les cadres dirigeants, par souci d’exemplarité. Une communauté managériale a été instaurée pour permettre aux managers de partager leurs résultats et de se soutenir, soit affectivement, soit par l’échange de bonnes pratiques. Toutes ces actions n’auraient jamais été identifiées sans le « Pre Mortem ».

4 – Apprendre des erreurs (valorisation a posteriori)

La seule utilité, finalement, de l’erreur, est l’apprentissage. Il peut être individuel (la personne apprend par elle-même), partagé soit avec un tiers ou avec un groupe de personnes. Nous vous avons sélectionné quelques pratiques managériales innovantes en la matière.

Instaurer un feed-back sur les erreurs vécues

Parler librement et sans ambages des erreurs vécues est incontestablement un bon moyen de réduire le stress et de maintenir une dynamique positive et constructive. Il y a plusieurs approches pour évoquer les erreurs et en tirer les leçons.

Nicolas Tricot, Directeur technique de BlaBlaCar témoigne des pratiques de feed-back au sein de son entreprise intitulées « Fail, Learn, Succeed » « Quand un collaborateur commet une erreur qui a des répercutions sur notre site internet, nous évitons les sentiments de base que sont la colère et la culpabilisation. Nous restons calmes et nous réglons le problème. Un ou deux jours plus tard, à tête reposée, nous analysons ce qui s’est passé ».

Beaucoup d’entreprises ont formé les managers à conduire des entretiens de feed-back individuels, dont le déroulé est généralement structuré en 6 étapes :

1 – Proposer son feed-back, sans l’imposer :

« J’aimerais bien que nous parlions de… (évoquer les faits) »

2 – Enoncer les points positifs avant d’évoquer les erreurs observées :

« Tout d’abord, j’ai particulièrement apprécié… (évoquer 1 ou 2 points positifs) »

« J’aimerais que l’on évoque ensemble… (exposer l’erreur observée) »

3 – Faire réagir la personne pour lui permettre de comprendre les origines de son erreur et d’en tirer, par elle-même, les enseignements en matière d’évolution :

« Qu’en penses-tu ? »

« Comment expliques-tu… ? (« qu’est-ce que tu t’es dis ? qu’as-tu ressenti ?…»)

« Quelles conséquences cela pourrait avoir si tu commets de nouveau… ?»

4 – Faire verbaliser ses solutions :

« Que faudrait-il que tu changes ? »

« De quoi aurais-tu besoin pour… ? »

5 – Valider la proposition et obtenir l’engagement

« Je pense que c’est une bonne solution et je te propose que nous fassions un point dans…. »

6 – Valoriser la personne

« Je suis très satisfait de notre échange. Je pense que cette expérience t’as permis de progresser. Je reste disponible si besoin »

Intégrer la valorisation de l’erreur dans l’entretien d’évaluation annuel

Jean Prevost, DRH d’Axa Banque, a même instauré un moment d’échange autour des erreurs vécues dans le cadre de l’entretien annuel d’évaluation. Ce partage, qui se veut avant tout transparent et constructif, a pour objectif de parler de ses erreurs sous un angle positif. Selon lui, c’est avant tout « une occasion d’insuffler la culture du test & learne dans l’entreprise et de montrer que l’erreur peut être créatrice de valeurs ».

Organiser des temps de partage collectif autour des erreurs

En général, les erreurs sont traitées par les experts du domaine concerné et gardées confidentielles par ces mêmes experts, de sorte que cela reste « en famille ». Il serait malvenu que vous alliez voir un collègue concerné par une erreur que vous avez observé pour lui en faire part, alors que cela ne s’est pas produit sous votre responsabilité ou dans votre « pré carré ».

Dans notre culture, évoquer une erreur commise par autrui s’appelle tout simplement de la délation. Et, faire de la délation, c’est faire acte de trahison. Cela suscite généralement des luttes de pouvoir et des tensions. Nous pensons qu’une erreur se doit d’être parfois révélée et mise en commun pour que tous les collaborateurs puissent bénéficier de cette expérience et surtout connaitre la solution qui résulte de l’analyse de l’erreur.

Par exemple, les échecs et les erreurs peuvent également faire l’objet d’un débat collectif. Pour soutenir sa valeur « Echoue, apprends, réussis » Blablacar organise des réunions de feed-back 1 fois tous les 2 mois sur les échecs rencontrés afin d’en tirer les leçons de manière collective.

Les équipes de l’entreprise Buurtzorg, société hollandaise de 7.000 salariés, spécialisée dans les soins à domicile, ont la responsabilité de déclarer leurs erreurs et de trouver ensemble des solutions préventives. Cette entreprise ayant adopté un mode de fonctionnement a-hiérarchique, les équipes ne peuvent pas demander un arbitrage à un manager. Elles peuvent cependant demander aux « coachs régionaux » (sorte de directeur de région qui n’a pas de pouvoir de décision mais un rôle d’accompagnement des équipes) de les aider à se mettre d’accord sur une décision soit en les questionnant, soit en leur suggérant des solutions, soit en portant à leur connaissance des pratiques adoptées par d’autres équipes dans des situations similaires, ce qui renforce l’idée de la nécessité de mettre à disposition du collectif les erreurs vécues et les solutions trouvées.

Ouvrir la recherche de solutions suite aux erreurs au plus grand nombre

Chez FAVI, entreprise française de 500 salariés, qui produit principalement des fourchettes de boites de vitesse automobiles, la recherche de solutions suite à des erreurs, dans la mesure où il n’existe ni direction de la qualité, ni direction de l’organisation, ni de bureau et méthode, ni de direction de l’audit, etc., etc., est traitée par la rédaction du problème dans un journal consultable par tous, à tout moment. Tout le monde peut se proposer de travailler sur le sujet, sans exception. Il lui suffit d’inscrire ses initiales en face de la question. Il y a en général toujours 2 ou 3 personnes pour s’unir et trouver une solution. Et si personne ne se propose, FAVI considère que ce n’était pas vraiment une erreur. Dans le cas contraire, il y a de fortes probabilités que l’erreur sera de nouveau commise et donnera lieu à une nouvelle sollicitation pour la recherche de solution.

Autre exemple, en cas d’erreur ou de non conformité, un magasin de grande distribution a installé dans sa salle commune un tableau de papier intitulé « Ca m’énerve ». Les erreurs ou dysfonctionnements y sont notés par un collaborateur qui en a fait le constat. Elle est donc portée à la connaissance de tous et, dans le même esprit de FAVI, des volontaires se proposent d’apporter des solutions. L’erreur est rayée dès que la solution a été trouvée et tout le monde à l’information. Ces exemples de pratiques sont d’une extrême simplicité et peu onéreuses. Elles reposent avant tout sur un état d’esprit partagé de valorisation de l’erreur.

Institutionnaliser un système de « retour d’expérience » qui permet d’apprendre des erreurs

Cette démarche est fréquente dans de nombreux milieux. La valorisation du droit à l’erreur est mise en avant au sein d’Air France dans sa démarche « Just and Fair » (juste et équitable). Il s’agit de considérer l’erreur comme une source d’amélioration continue pour l’entreprise en vue notamment d’éviter au maximum les accidents. L’analyse se veut juste par rapport aux responsabilités individuelles (qui est de la responsabilité de la personne) et équitable par rapport à l’organisation (qui est de la responsabilité des modes de fonctionnement initiés par l’entreprise). En d’autres termes, il s’agit de différencier l’origine de l’erreur : est-elle humaine (inattention, oubli, incompétence…) ou organisationnelle (processus inadapté, événement non prévu dans les procédures…).

Il s’agit d’avantage de développer une culture de la juste responsabilité et le développement d’attitudes positives face aux erreurs, plutôt que d’autoriser les erreurs. C’est pourquoi l’idée force de la démarche repose sur une politique de traitement de l’erreur qui ne soit « ni injustement punitif, ni laxiste ».

Cette démarche a pour objectif d’aider les managers à prendre les meilleures décisions face à l’erreur. C’est pourquoi ils sont formés à la démarche et soutenus par des « Référents » dont la mission et d’aider le management dans l’analyse. La décision reste du ressort de l’autorité managériale.

Après avoir analysé si l’origine de l’erreur est d’ordre organisationnelle, un second temps est consacré à l’étude de l’erreur humaine. Si l’erreur est d’ordre humaine mais due à un processus inadapté, la personne peut alors valorisée et les processus soumis à évolution. Si l’erreur n’est pas induite par un processus inadapté, la question du caractère acceptable ou inacceptable se pose alors. Un accompagnement individuel peut être déclenché s’il s’agit d’une erreur involontaire, une sanction est prise s’il s’agit d’une faute (volonté délibérée de violer la règle).

La particularité de cette démarche est que l’analyse débute toujours par le présupposé qu’il n’y a pas de volonté manifeste de nuire à la personne.

Encourager la direction à montrer l’exemple en matière de déclaration de ses erreurs

Si les entreprises s’engagent dans des démarches de valorisation de l’erreur, elles concernent majoritairement les collaborateurs, rarement les dirigeants, généralement par crainte de perdre en légitimité et en crédibilité.

Restreindre la déclaration de l’erreur aux seuls salariés est, en soi, une erreur… de leadership. Pour quelle (bonne) raison les dirigeants ne seraient pas concernés par l’erreur ? Ne seraient-ils pas humains, donc faillibles ? Quelle image enverrait un dirigeant s’il déclarait une erreur ? Perdrait-il en influence ou gagnerait-il en charisme ? De nombreuses études démontrent qu’une personne qui reconnaît ses erreurs, quel que soit son statut, renforce son assertivité. C’est certainement ce que s’est dit Geoffroy de Becdelièvre, Pdg de Marco Vasco, spécialiste du voyage sur mesure de 200 salariés qui s’est vu attribué, lors de sa cérémonie annuelle, le « prix de l’échec », après avoir raté sa tentative d’implantation aux Etats-Unis.

Si avouer une erreur stratégique n’est pas chose facile pour un dirigeant, faire son mea culpa sur son style de management l’est encore moins, car cela touche, non pas aux capacités, mais à l’identité. Il a fallut une sacrée dose de courage et d’humilité à Cesar De Vicente, Directeur Général Espagne de Kiabi, pour déclarer publiquement devant 200 collaborateurs, lors d’une convention « Je me suis trompé, vous avez le droit de prendre vos propres décisions ». C’est suite à un séminaire stratégique avec son comité de direction que Cesar De Vicente a pris conscience que le mode de management qu’il impulsait, très paternaliste, ôtait toute liberté d’initiative à ses collaborateurs et ne permettait pas à l’entreprise de faire preuve d’agilité et d’innovation, conditions indispensables pour faire face à la crise qui a frappé l’Espagne en 2011. La principale vertu d’une crise est qu’elle vous oblige à vous remettre en question. C’est pourquoi, après avoir pris conscience des limites des modes de gouvernance traditionnels, ce Directeur Général a décidé de s’émanciper d’un mode de pensée trop hiérarchique et de miser sur les talents de ses équipes par le biais d’une démarche intitulée « People First ». Ce n’est pas le seul dirigeant à déclarer vouloir miser sur l’intelligence collective mais c’est l’un des rares à avoir compris qu’il fallait déclarer son erreur pour que les personnes y croient vraiment et deviennent acteurs du projet d’entreprise. Selon lui, ce mea culpa a été l’élément déclencheur d’une nouvelle dynamique. Son dernier 360° a mis en évidence que les personnes avaient davantage confiance en lui et les résultats de Kiabi parlent d’eux-mêmes. Cette libération est très certainement l’une des raisons pour lesquelles Kiabi a obtenu la 5ème place du classement Great Place To Work en Espagne en 2015.

Fêter ses échecs

Cela peut paraître surprenant, mais reconnaître publiquement un échec cuisant et le fêter collectivement est une bonne manière de dédramatiser et de « tourner la page ». C’est dans cet état d’esprit que l’entreprise Intuit, éditeur de logiciels financiers Californien d’environ 2.000 salariés, a instauré la « fête de la défaite » lorsqu’elle se « plante » sur un gros projet.

Plutôt que « d’étouffer l’affaire », elle organise au sein de son siège social de Moutain View une cérémonie conviviale et festive où les membres des business units concernées peuvent prendre la parole, partager entre eux sur ce qui s’est passé et surtout apprendre de leurs échecs.

Apprendre de ses erreurs, les valoriser, est, non seulement une source d’optimisation des performances mais aussi un véritable levier d’amélioration du bien-être.

Les entreprises qui sauront tirer parti de leurs erreurs, d’une part amélioreront leur attractivité et, d’autre part, auront un avantage certain sur leurs concurrents.

Aussi, n’ayez pas peur de vous engager dans cette direction, inspirez-vous des entreprises qui ont déjà initié des démarches en ce sens de manière à prendre connaissance des erreurs qu’elles auraient commises et des solutions qu’elles ont trouvé.

Et si vous avez notez des erreurs dans cet article, n’hésitez pas à nous le faire savoir, cela nous évitera de les reproduire.

[i] Sondage Ipsos / 2013 – [ii] Sondage Pew Research Center / 2014 – [iii] Enquête Opinion Way – Maaf / 2010 – [iv] Source Insee, estimations d’emploi[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column width= »1/1″][minti_spacer][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column width= »1/1″][vc_column_text]

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6 réflexions sur “Ces entreprises qui accordent et valorisent le droit à l’erreur et à l’échec”

  1. Merci pour cet article éclairant et inspirant !
    cela me donne quelques pistes de travail pour aborder la question, proposer des actions !
    Et comme toute erreur est source d’apprentissage, il y a des erreurs de frappe dans l’article, cela m’apprend la tolérance face à la perfection grammaticale et orthographique

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