Quand les collaborateurs participent au recrutement de leurs managers – SA HLM de l’Oise

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Selon une étude réalisée par Hay Groupe en 2017, 22% des nouveaux embauchés quittent leur emploi dans les 45 premiers jours et d’après une enquête de Mercuri Urval, 49% des ruptures sont dues à des divergences de points de vue.

C’est suite à une expérience difficile entre un manager et son équipe et dans le cadre de son remplacement qu’Edouard Duroyon, Directeur de la SA HLM Oise, s’est interrogé sur les modalités de sélection de son remplaçant. Comment apprécier la qualité managériale d’un candidat au-delà de ses compétences techniques ? Comment s’assurer qu’un nouveau manager saura créer les conditions d’une saine et profitable collaboration ?

L’usage veut que les candidats à des postes de management soient sélectionnés essentiellement par des professionnels en ressources humaines et leurs futurs responsables hiérarchiques. S’ils sont capables de vérifier la bonne adéquation du profil avec celui du poste proposé, notamment sur l’aspect technique, sont-ils vraiment en mesure d’apprécier l’aptitude des candidats à composer avec les équipes dont ils auront la responsabilité ?

Est-il encore raisonnable de croire que seulement quelques personnes puissent évaluer la qualité de la future collaboration entre un candidat et la diversité des personnes avec lesquelles il sera en interaction (l’équipe, ses pairs…) ? Comment s’en assurer ?

De son côté, le candidat prend sa décision en fonction de l’entreprise, du contenu du poste proposé et de l’avis qu’il se fait du responsable hiérarchique et attend souvent le premier jour de son embauche pour découvrir son équipe et, les jours qui suivent, ses pairs. Il n’a donc qu’une vision parcellaire de la réalité et se construit un imaginaire, conscient ou non, souvent basé sur les descriptions faites lors des entretiens d’embauche, qui peut être bien différent de la réalité, d’où le risque de désillusion ou de déception lors de son intégration.

De leur côté, les collaborateurs n’étant jamais associés au processus de recrutement, découvrent leur nouveau responsable bien souvent lors de sa prise de fonction. N’étant pas impliqués, ils n’ont d’autre choix que celui d’accepter la décision prise par l’entreprise. La nature des interactions entre le nouveau manager et les collaborateurs n’ayant pas été évaluée, soit la collaboration se passe bien, soit elle se passe mal ce qui, dans ce cas, représente un coût aussi bien financier que moral que devra supporter l’entreprise. Aussi, comment est-il possible d’éviter au maximum ce risque ?

Considérant que la dimension relationnelle est toute aussi importante que la dimension technique, Edouard Duroyon a décidé de rompre avec les traditions hiérarchiques bureaucratiques et d’associer les collaborateurs à la sélection de leur futur responsable.

Présentation :

L’étape de présélection est identique à celle pratiquée dans la plupart des entreprises. Le processus décisionnel évolue lorsque l’entreprise a arrêté sa « short list ».

Les candidats présélectionnés sont invités à rencontrer les membres de l’équipe lors d’une réunion collective d’environ 1h30, ainsi que quelques pairs individuellement. Lorsque le lieu d’habitation du candidat est éloigné du lieu de la rencontre, les entretiens sont programmés sur la journée de manière à limiter les déplacements.

Après que le candidat se soit présenté en début de réunion, les membres de l’équipe expliquent ce qu’ils font. L’échange se veut naturel et spontané. Le candidat peut évoquer sa vision, les collaborateurs leurs besoins et leurs attentes. Le fait de ne pas déterminer de cadre lors de l’entretien permet d’apprécier la fluidité des échanges et la qualité des rapports humains, de se forger un avis sur la relation et sur les sujets évoqués qui seront naturellement différents selon les candidats.

Suite à l’entretien, la responsable ressources humaines reçoit les candidats et les équipes pour recueillir leurs perceptions et ressentis, sur la base des questions suivantes :

  • Pour le candidat : « Vous sentez-vous de travailler avec cette équipe ? », « Que pensez-vous leur apporter ? ».
  • Pour les équipes : « Vous sentez-vous de travailler avec cette personne ? », « Va-t-elle répondre à vos besoins (d’accompagnement, de développement professionnel) ? », « Répond-elle aux besoins futurs de l’entreprise ? ».

Elle rencontre également les pairs qui ont eu des échanges avec les candidats pour prendre connaissance de leurs avis puis fait part des retours de chacun au directeur.

En ce qui concerne les postes à pourvoir pour lesquels il n’y a pas de responsabilité hiérarchique, les candidats rencontrent les personnes avec lesquelles ils seront amenés à travailler.

Lorsqu’il l’estime nécessaire, le directeur peut demander à rencontrer certains protagonistes du processus de recrutement pour affiner sa perception. Si les collaborateurs et les pairs sont encouragés à exprimer leurs avis, ils n’ont cependant pas de droit de véto. Il n’y a pas de processus de vote. La décision appartient au Directeur.

Bénéfices :

Associer les collaborateurs ainsi que les pairs dans le processus de sélection permet de mieux sécuriser la décision finale et réduit les risques de mésentente et de tension, notamment par le recueil de la diversité des appréciations sur les comportements, la personnalité, les valeurs et l’adéquation du profil du candidat avec la culture d’entreprise.

La possibilité offerte aux candidats de pouvoir rencontrer les collaborateurs et certains pairs leur offre l’opportunité de prendre une décision de manière plus objective et réduit le risque d’interprétation, de fantasme et de désillusion. Ce processus facilite ainsi l’intégration et diminue les risques de départ pendant la période d’essai.

La diversité des perceptions permet d’obtenir une « moyenne » des avis qui est généralement plus pertinente que les appréciations d’une à trois personnes. Plus le nombre d’avis est important plus les avis immodérés sont neutralisés, principe révélé dans le concept de la « sagesse des foules ».

Les échanges informels avec l’équipe permettent d’accéder plus aisément à ce qu’est la personne plutôt qu’à ce qu’elle veut montrer. La diversité des points de vues permet de dissocier les avis communs de ceux qui divergent.

Par ailleurs, le fait d’échanger librement lors des réunions sans cadre préalablement déterminé tel qu’on le connaît aujourd’hui révèle le niveau d’authenticité et de spontanéité du candidat. La réunion pourrait être comparée, d’une certaine manière, à une mise en situation. Par exemple, la façon dont un candidat réagit aux difficultés exprimées par l’équipe est une information précieuse car ce type d’échange reflète ce qui se passerait dans la réalité.

Les candidats, qu’ils aient été recrutés ou non, ont eu des réactions très positives. Le dispositif a été bien perçu car il leur permet de mieux appréhender l’état d’esprit, de mieux cerner les enjeux, les projets mais aussi, et surtout, la réalité du quotidien. Cette démarche renforce incontestablement l’attractivité de l’entreprise et lui permet de se différencier de ses concurrents.

Pourquoi ça marche ?

L’imago

Dans son livre « Structure et dynamique des organisations et des groupes », Eric Berne, fondateur de l’Analyse Transactionnelle met en évidence l’importance des relations au sein d’un groupe et plus particulièrement les représentations mentales, conscientes ou inconscientes, que chaque membre du groupe se fait de ce qu’est ou doit être le groupe. Il s’agit de l’imago.

Chaque individu, avant d’intégrer un groupe, se fait une idée du groupe sur la base de ses perceptions et représentations conscientes ou inconscientes. La personne ajustera sa représentation au fur et à mesure des rencontres, des échanges qu’elle aura avec le groupe. Elle pourra ainsi décider de s’adapter ou non au groupe en fonction des attentes et des ressentis réciproques. Si les besoins peuvent être satisfaits de part et d’autre, si les membres du groupe éprouvent du plaisir à travailler ensemble alors la personne fera le choix d’appartenir au groupe, sachant que selon l’auteur, l’appartenance au groupe reste une « situation indéfiniment temporaire ». Cela signifie qu’elle pourra le quitter si elle ne peut satisfaire ses attentes personnelles ou que le groupe pourra l’éconduire si elle ne respecte pas les règles de vie et de fonctionnement.

Le concept d’imago est très intéressant car il met en lumière les risques de différences de représentations lors d’un recrutement. Ce qui est encore plus intéressant c’est que même si l’entreprise tente d’être la plus factuelle et transparente possible dans sa présentation, cela n’empêchera pas une personne de s’en faire une idée différente selon son cadre de référence (son histoire, son expérience, ses compétences, ses attentes…).

La pratique de la SA HLM de l’Oise permet de réduire le risque de fantasme que se fait un candidat de ce qu’est le groupe qu’il pourrait rejoindre. La rencontre entre un candidat à un poste de manager et son équipe pendant le processus de sélection, qui se veut authentique et bienveillant, permet à chacun, candidat et membres de l’équipe, de mieux accéder à ce qu’ils sont vraiment. Ce processus, s’il est bien mené, permet, non seulement à chacun de prendre sa décision sur la base de perceptions plus réalistes, mais aussi réduit les risques de désillusion et de mésentente lors de l’intégration, donc de rupture du contrat de travail.

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