Définition du manager facilitateur et ses nouveaux rôles
« Lorsqu’on regarde en avant vers le siècle prochain, les leaders seront ceux qui donnent du pouvoir aux autres » – Bill Gates.
Après le patron, le chef, le manager, le leader et le manager-coach, voici venu le temps du « manager facilitateur ». Encore un effet de mode ou une nouvelle manière de percevoir la raison d’être du management ?
Ce dont nous sommes convaincus c’est que la crise du coronavirus et le management à distance qu’elle induit légitime plus que jamais d’instaurer un management basé sur la confiance et l’autonomie.
A ce titre, comme l’évoque Bill Gates, la principale raison d’être du manager devient de faciliter le travail de ses collaborateurs, de décentraliser la « zone de pouvoir d’action », en offrant plus d’autonomie, en libérant et soutenant les initiatives et en les associant davantage dans les prises de décision. Mais en quoi cela consiste et comment faire ?
https://youtu.be/7cTHQQ4GXoI
Sommaire
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Synthèse de l’article
Management, pourquoi changer ?
Il y a deux principales raisons qui légitiment une évolution profonde des rôles et des missions d’un manager :
- La première est exogène : face à un environnement en perpétuelle mutation, incertain, de plus en plus complexe et paradoxal, les entreprises doivent devenir plus proactives, plus agiles, plus innovantes et plus audacieuses.
- La seconde est endogène : de plus en plus de salariés aspirent à devenir plus autonomes, à avoir un travail épanouissant, à trouver du sens à ce qu’ils font et pouvoir exprimer leurs émotions et leurs idées plus librement.
Pour que les entreprises puissent évoluer dans ce nouveau monde, se mettre en capacité d’innover en continu, elles ne peuvent plus se reposer uniquement sur les compétences techniques de leurs managers, il leur faut mobiliser toute l’énergie, l’intelligence et les potentiels de leurs collaborateurs.
A ce titre, la principale raison d’être du manager n’est plus de prescrire et de contrôler la conformité des activités des collaborateurs mais de faciliter le travail des équipes.
La fonction de management est-elle encore nécessaire ?
Selon certains auteurs, les managers seraient les principaux responsables du désengagement et de l’asphyxie des collaborateurs. C’est d’ailleurs ce qu’évoque un récent sondage[1] qui met en avant que 46% des salariés « ont le sentiment d’être parfois infantilisés par la hiérarchie » et « aimeraient être davantage impliqués sur le sens de leur activité ».
Cependant, si 74% des collaborateurs considèrent que leurs supérieurs hiérarchiques « imposent leurs points de vue »[2], 62% déclarent que « la fonction de manager est utile »[3] et 83% conviennent qu’un « manager est indispensable pour faire fonctionner une équipe »[4].
Très surprenant n’est-ce pas ? Surtout lorsque certains consultants et médias ne cessent de tarir d’éloges les entreprises qui en ont fait l’économie et qui prônent l’auto-gouvernance.
N’en déplaise aux adeptes de l’éradication de la fonction managériale, à savoir les partisans de l’entreprise libérée, opale, l’holacratie ou encore la sociocratie, un groupe d’individus a besoin d’une autorité hiérarchique.
Ce phénomène a été démontré par Debra H. Gruenfeld et Larissa Z. Tiedens[5] qui, suite à de nombreuses études, affirment qu’un groupe d’individu a besoin d’une autorité hiérarchique, notamment pour prendre les décisions dans des situations complexes. Selon elles, lorsque la répartition du pouvoir, formelle ou informelle, n’est pas clairement établie, les membres deviennent moins attachés à leurs groupes, la coopération est moins efficace et la performance diminue. Elles concluent que tous les chercheurs qui ont étudié les fonctionnements des animaux et des êtres humains arrivent à la même conclusion : il y a toujours un système hiérarchique.
C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle est arrivée Larry Page, fondateur de Google. En 2001, il décida de supprimer l’échelon hiérarchique intermédiaire, considérant qu’il créait beaucoup trop de complexité et qu’il était source de frictions. Mais quelque temps plus tard, les top managers étaient débordés par les sollicitations de centaines d’ingénieurs qui attendaient leurs réponses. Larry Page a donc appris que le managementintermédiaire était une « complexité nécessaire[6] ».
Et même si cette possibilité pouvait être envisagée, la suppression de la fonction de manager est tout bonnement impossible pour des organisations qui ne peuvent remettre en question leurs classifications ou qui évoluent dans des environnements dont la réglementation impose une fonction de management.
Aussi, si certaines personnes considèrent indispensable de supprimer le management, nous estimons que cela n’est absolument pas nécessaire et qu’il est plus opportun de transformer la raison d’être d’un manager pour qu’il se mette au service d’une équipe constituée de professionnels compétents, motivés et responsables. Ce dont les personnes n’ont pas besoin c’est d’autoritarisme, pas d’autorité.
Le manager facilitateur : une nouvelle raison d’être
Quel que soit le nom qu’on lui donne, à savoir patron, chef, manager, leader ou manager coach, la principale raison d’être d’un manager a toujours été de prescrire et de contrôler le travail des collaborateurs sous sa responsabilité.
Cela fait plus de 10 ans que nous demandons aux managers que nous croisons dans le cadre de conférences et de formations de nous indiquer le temps qu’ils consacrent à chacune des 4 finalités d’un manager, à savoir :
- Produire : traiter des dossiers complexes et aider leurs collaborateurs dans la réalisation technique de leurs missions ;
- Gérer : organiser et contrôler l’activité ;
- Animer : fédérer, dynamiser, motiver, gérer les tensions ;
- Innover : améliorer l’existant et trouver de nouvelles idées.
Comme l’illustre la figure ci-dessous, le temps consacré à ces finalités par les managers est aujourd’hui majoritairement dédié à la production et à l’organisation.
Mais si l’on considère que les collaborateurs sont des personnes responsables, compétentes et engagées, il devient superflu et contreproductif de consacrer autant de temps à prescrire et à contrôler.
Face à des équipes autonomes, où chacun agit et se comporte en adulte, la priorité du manager devient de faciliter leur travail, ce qui nécessite, non seulement d’adopter de nouvelles postures, mais aussi de s’approprier de nouveaux rôles.
Les 4 rôles du « manager facilitateur » : CRAS
Alors que les équipes avaient pour habitude de servir l’ego de leur manager, il lui incombe à présent de mettre son ego au service de ses collaborateurs.
L’appropriation de la culture managériale « coresponsable » nécessite de repenser la raison d’être du manager, qui pourrait être comparable à celle d’un chef d’orchestre.
En effet, les meilleurs chefs d’orchestre ne sont pas les plus brillants avec un instrument. Ils n’ont pas pour mission de prescrire et de contrôler l’interprétation des musiciens qui connaissent le solfège et maîtrisent leurs instruments.
Leurs missions consistent à respecter le mieux possible la volonté du compositeur, tout en faisant connaitre aux musiciens leur lecture de l’œuvre, la tonalité qu’il souhaite donner. Ils ne jouent de rien, ils font jouer. Ils n’imposent rien, ils composent avec l’équipe (qu’ils n’ont souvent pas choisi), avec les singularités de chaque instrument (la virilité des cuivres, la légèreté des violons…).
Ils aident chaque musicien à comprendre comment son interprétation personnelle peut rejoindre l’interprétation collective, sans raboter les personnalités. Ils composent avec les caractéristiques individuelles au mieux des intérêts de l’orchestre, pour que chacun se sente à la fois partie d’un tout, tout en valorisant son individualité.
Ils conduisent patiemment les musiciens à découvrir l’œuvre et à se l’approprier avant de la sublimer lors de la représentation.
L’évolution de la raison d’être du manager implique qu’il endosse quatre nouveaux rôles :
- CADRER : Clarifier le « contrat collaboratif »
- RASSEMBLER : Mobiliser les potentiels et co-construire la collaboration
- ANIMER : Dynamiser l’intelligence collective
- SOUTENIR : Protéger et faire grandir ses équipes
1. CADRER : Clarifier le « contrat collaboratif »
Puisque l’entreprise considère que les collaborateurs sont des personnes motivées et compétentes, qu’elles aspirent à davantage d’autonomie et souhaitent être considérées comme des adultes responsables, le manager doit s’émanciper de son habitude de tout prescrire et contrôler.
Cependant, autonomie (qui agit de soi-même, volontairement ou spontanément) ne signifie pas indépendance (qui agit selon ses propres lois, qui ne dépend pas de son environnement). Les salariés ne peuvent par nature pas être indépendants puisqu’ils font partie d’un groupe.
Il s’agit par conséquent d’offrir de la liberté dans un cadre prédéfini que chacun s’engage à respecter qui sert de référence à la collaboration « Adulte/Adulte ».
Si le manager doit lâcher prise sur le « comment », il doit, avant d’engager l’équipe dans l’action, instaurer un cadre de référence, le « contrat collaboratif », qui porte sur le « pour quoi », à savoir l’ambition (la vision), l’identité (les valeurs) et les principes (les conditions de l’autonomisation).
A ce titre, le manager facilitateur a trois missions :
Vision : Mobiliser autour d’une « vision » commune qui donne du sens aux contributions de chacun, qui facilite l’engagement et sert de cadre de référence à l’action.
Principal levier d’engagement, la vision doit répondre à plusieurs critères :
- Mentionner la valeur que l’entreprise crée sur son marché, préciser ce qu’elle apporte de positif au Monde
- Être attractive, donner envie, susciter le désir,
- Être concise et simple à comprendre,
- Signifier en quoi elle permet à l’entreprise de se différencier de ses concurrents par la création de valeurs qui lui sont propres.
Exemples de formulations d’une vision :
– « Aider nos clients à rêver leur maison et à la réaliser » – leroy Merlin
– « Rendre les plaisirs et les bienfaits de la pratique des sports accessibles au plus grand nombre » – Décathlon
Le manager facilitateur a pour principales responsabilités de :
- S’il n’y a pas de vision, la co-construire avec l’équipe ;
- Si la vision existe déjà, impliquer les membres dans son appropriation en leur demandant de la décliner au niveau opérationnel et de proposer des actions en conséquence.
Le manager pourra par la suite définir avec ses équipes les modalités de référence à la vision, dans le cadre, par exemple, des processus d’évaluation, de prises d’initiatives, de décisions ou encore lors des feedbacks.
Chez Décathlon, la vision est l’un des principaux critères de validation des initiatives des collaborateurs et chez Leroy Merlin, elle permet de donner du sens aux feedbacks opérationnels.
Valeurs : Fédérer autour de valeurs collaboratives, afin de définir un socle identitaire culturel commun auquel chacun doit adhérer, quelle que soit sa fonction, son statut, son métier.
Les valeurs collaboratives servent à clarifier l’état d’esprit (audace, confiance…) et les attitudes (entraide, authenticité…) que les collaborateurs doivent incarner pour concrétiser la vision et bien travailler ensemble.
A ce titre, le manager facilitateur doit :
- Co-définir les valeurs avec l’équipe si elles n’existent pas ou les faire connaître si elles existent ;
- Inviter chaque collaborateur à s’exprimer, pour chacune des valeurs sur son niveau d’adhésion et d’appropriation ;
- Définir les modalités de suivi et d’appréciation du niveau d’incarnation individuel et collectif de ces valeurs.
Le manager facilitateur doit assurer un suivi régulier du niveau d’incarnation des valeurs, soit dans le cadre de réunions collectives, du renforcement de l’autonomisation, de démarches d’évaluation, de feedbacks individuels et collectifs, voire de recadrage lorsqu’un ou plusieurs collaborateurs ne les incarne pas.
Chez Tornos, en Suisse, les équipes se rencontrent périodiquement pour réaliser un « bulletin météo des valeurs » dans le but d’échanger sur le niveau d’incarnation de leurs six valeurs sur la période écoulée et identifier en groupe des actions qui permettraient d’améliorer leur appropriation le cas échéant.
Principes : Négocier les conditions de l’autonomisation, de manière à ce que chaque collaborateur puisse intégrer dans son action les éléments de contexte, les contraintes mais aussi les règles de fonctionnement.
A ce titre, le manager facilitateur doit clarifier ce qui est négociable de ce qui ne l’est pas (contexte politique, limites budgétaires…) de manière à définir la « zone de pouvoir d’action » de l’équipe (le degré d’autonomie, les possibilités de prises d’initiatives, les modalités de décision…).
C’est à cette occasion qu’il peut identifier les actions qu’il doit mettre en œuvre pour que les équipes puissent réaliser dans les meilleures conditions ce qui relève de leur niveau d’autonomie (formation, coaching, learning expedition…)
C’est à cette condition que Pôle Emploi, en 2019, a pu associer ses 55.000 agents (plus 5.000 entreprises et demandeurs d’emploi) à la définition de son projet stratégique et que la Camif a accompagné ses collaborateurs dans leur démarche de co-construction du budget de l’entreprise.
2. RASSEMBLER : Mobiliser les potentiels et co-construire la collaboration
Une fois le « contrat collaboratif » clarifié et accepté par chaque membre de l’équipe, il devient nécessaire de créer les conditions d’une saine et riche collaboration. Il ne suffit pas que chaque collaborateur soit compétent, motivé et autonome pour qu’une équipe soit performante. L’efficacité d’un groupe repose surtout sur la capacité des membres à travailler ensemble.
Selon Norbert Alter[i], la coopération repose en grande partie sur les liens affectifs et les affinités personnelles. Les émotions jouent un rôle structurant dans la relation professionnelle. Compte tenu de la diversité des membres qui composent le groupe (cultures, personnalités, sexes, générations, expériences, métiers…), il est tout à fait concevable qu’il y ait des interprétations, des incompréhensions, des désaccords, voire des tensions.
C’est la raison pour laquelle il importe de révéler les singularités (comme par exemple une personne introvertie qui a du mal à s’exprimer en public) et d’identifier des pratiques qui lèvent les difficultés potentielles (processus d’expression des ressentis par exemple), de « socialiser » avant de passer à l’action.
Si la singularité de chaque membre qui compose l’équipe peut être à l’origine de discordes, toutes ces différences peuvent aussi constituer une véritable richesse pour l’équipe si les particularités, les points forts, les appétences sont révélées et mises au service du but commun.
C’est pour cette raison que le manager facilitateur doit co-construire avec son équipe, les modalités de la collaboration, faciliter l’expression et la prise en compte des émotions et valoriser les singularités de manière à créer les conditions de la confiance, de la bienveillance et du respect mutuel.
A ce titre, le manager facilitateur a trois missions :
Engagement : Impulser l’implication par la co-construction des modes de collaboration (pratiques collaboratives, rituels, méthodes de travail…). Rendre les collaborateurs auteurs des modes de fonctionnement permet de renforcer la responsabilisation et limite les contestations ultérieures.
Cela nécessite de la part du manager facilitateur d’être force de proposition mais aussi d’être à l’écoute des suggestions de l’équipe concernant les aménagements ou des idées de pratiques collaboratives auxquelles il n’aurait pas pensé.
Associer l’équipe dans la définition des modes de collaboration permet de sélectionner des pratiques qui lui conviennent le mieux, donc rapidement et facilement appropriables, quitte à les faire évoluer par la suite au regard des feedbacks périodiques.
Chez Thales Helicopters Avionics, les collaborateurs peuvent prendre des décisions sans validation hiérarchique selon un processus intitulé « Prise de décision par sollicitation d’avis ».
Inclusion : Faciliter l’inclusion, qui consiste à mettre l’équipe en « sécurité affective » en créant les conditions favorables à la confiance, la bienveillance, la tolérance, pour que chaque collaborateur soit bien intégré, se sente respecté dans son individualité et autorisé à s’exprimer, sans gêne, ni crainte.
A ce titre, le manager facilitateur devra instaurer des rituels dans le but d’encourager et de faciliter l’expression des ressentis, l’écoute mutuelle, l’acceptation des différences, de révéler les singularités, d’autoriser les divergences mais aussi de cadrer, voire recadrer les personnes dont les attitudes ne seraient pas conformes aux valeurs collaboratives.
A la SA HLM de l’Oise, les collaborateurs sont associés au recrutement de leur futur manager. Les candidats rencontrent l’équipe lors d’une réunion, ce qui leur permet de prendre leur décision sur la base de ce qu’ils ont vécu durant cette rencontre. A la Française des Jeux, chaque collaborateur qui le souhaite à la possibilité, à tout moment, de déclarer une satisfaction ou une insatisfaction par le biais d’une application digitale pour qu’elle soit prise en compte par l’entreprise.
Émergence : Révéler les potentiels, les points forts, les appétences, les traits de personnalité des collaborateurs (les « soft skills ») afin d’explorer avec eux les opportunités et les possibilités de les valoriser dans le cadre de leurs missions.
Ce rôle nécessite de s’émanciper de la logique d’affectation sur le seul critère des compétences techniques (les « hard skills »), de faire preuve de souplesse dans la répartition des rôles de manière à mieux concilier épanouissement personnel et performance professionnelle.
Pour ce faire, le manager facilitateur devra aider les collaborateurs à prendre le temps de l’introspection, à bénéficier de feedbacks de leurs collègues, à découvrir et prendre conscience d’aptitudes, d’appétences (ce qui leur procurent du plaisir) et de points forts afin de les valoriser et les mettre au service du collectif.
Chez Décathlon, les collaborateurs qui le souhaitent peuvent participer à un atelier conçu par l’entreprise intitulé « Oui j’ai des talents » d’une durée de deux jours afin de prendre conscience de leurs aptitudes et proposer des projets qui permettent de les valoriser. Chez Partitio, certaines missions sont affectées au regard des appétences des collaborateurs sur la base d’une matrice « Savoir-Faire / Aimer-Faire ».
[i] Source : Livre « Donner et prendre. La coopération en entreprise » – Norbert Alter – Éditions La Découverte
3. ANIMER : Dynamiser l’intelligence collective
Les conditions de la collaboration étant à présent réunies et acceptées par tous les membres de l’équipe qui se connaissent mieux et se font confiance, le temps est venu de passer à l’action.
A ce titre, le manager doit coordonner les activités des membres de l’équipe en veillant à ce que le contrat collaboratif, ainsi que les modalités de collaboration retenues, soient respectés par chacun.
Contrairement aux paradigmes des cultures managériales précédentes fondés sur l’idée que la crédibilité d’un manager est corrélée à sa capacité à tout prévoir et savoir, la culture coresponsable part du principe que l’omniscience du manager est utopique, notamment dans un monde devenu en perpétuelle mutation et imprévisible, et que la capacité de l’entreprise à évoluer dans cet environnement incertain nécessite de passer d’une logique « Command & Control » aux managers à celle de « Test & Learn » adoptée par toute l’équipe.
L’animation repose sur la capacité à faire cohabiter et à alterner des temps forts (situations d’urgence, décisions importantes…) et des temps calmes (quotidien), des moments d’imagination et d’application, de production et de détente, de sérieux et de « fun ».
A ce titre, le manager facilitateur a trois missions :
Libération des initiatives, ce qui signifie autoriser et encourager les membres du groupe à :
- Être force de proposition,
- Prendre de manière autonome certaines initiatives,
- Suggérer des idées et oser prendre des risques.
dans le respect du « contrat collaboratif ».
Chez Konica Minolta, la direction a décidé d’autoriser les collaborateurs à prendre des initiatives sans accord hiérarchique à partir du moment où elles sont en cohérence avec la vision, les valeurs et qu’elles soient source de valeur ajoutée pour l’entreprise et les clients.
Mutualisation des forces.
Considérant que la richesse nait de la mise en commun des différences, le manager facilitateur a pour rôle de :
- Mettre en relation les membres de l’équipe pour stimuler les réflexions et apprécier une idée,
- Associer les membres de l’équipe aux décisions,
- Mutualiser les compétences dans le cadre de la mise en œuvre d’une action.
Chez Air France, lorsqu’un manager souhaite être aidé dans la résolution d’un problème ou l’amélioration de l’existant, il peut solliciter la mise en place d’un « Hackt Simple », dispositif qui invite quatre équipes de huit personnes à se challenger pour proposer la meilleure idée qui sera sélectionnée par un jury constitué de personnes habilitées à mettre en œuvre la solution.
Procéder à des feedbacks réguliers, individuels et collectifs, que ce soit :
- Dans le cadre du suivi de l’activité afin de prendre connaissance du niveau d’atteinte des objectifs, pour prendre conscience du chemin parcouru, de ce qui reste à réaliser et décider d’ajustements si nécessaire,
- Prendre connaissance des difficultés pour les traiter, améliorer l’existant, faire évoluer certaines pratiques collaboratives ;
- Aider les collaborateurs à prendre du recul, de la hauteur sur les situations et leurs axes de développement professionnel ;
- Recadrer lorsque cela s’avère nécessaire (si, par exemple, le contrat collaboratif n’est pas respecté).
Chez BlaBlaCar, tous les managers et collaborateurs sont invités à faire part de leurs échecs à travers un dispositif intitulé « FLS » (Fail, Learn, Succeed) de manière à ce que chacun puisse en prendre connaissance et bénéficier de leurs enseignements. Axa Banque a instauré une démarche de reconnaissance collaborative par le biais d’une plateforme intitulée #ITAGYOU.
4. SOUTENIR : Protéger et faire grandir ses équipes
La culture coresponsable se caractérise par la posture de soutien du manager qui doit se rendre disponible lorsque l’équipe a besoin de lui ou en cas de tension, soit au sein de l’équipe soit entre l’équipe et son environnement.
Ce rôle nécessite de faire la différence entre le principe de serviabilité (être au service de ses équipes) et de soumission. Le but est d’accompagner les collaborateurs dans leur autonomisation et de les soutenir auprès des parties prenantes internes et externes à l’entreprise.
Il s’agit également de responsabiliser les collaborateurs sur la résolution de leurs différents et d’apaiser les tensions lorsque cela s’avère nécessaire.
A ce titre, le manager facilitateur a trois missions :
Se mettre au service de l’équipe, à savoir inciter les collaborateurs à exprimer leurs besoins ou une demande d’aide pour pouvoir les prendre en considération, que ce soit pour la résolution d’un problème, l’amélioration de l’existant ou l’acquisition de nouvelles aptitudes.
Chez HCLT en Inde, les collaborateurs bénéficient d’un « système de réclamation interne » (à l’identique de ce qui existe pour les clients) afin de solliciter officiellement l’aide des fonctions supports pour résoudre une difficulté. Seul l’auteur de la demande est habilité à la clôturer. Chez ITM-LAI de la région Ouest de la France, les chefs d’équipe rencontrent quotidiennement les collaborateurs pendant 5 à 10 minutes qui ont la possibilité de formuler une d’aide par le biais d’une carte intitulé « WIN ». Soit la solution est trouvée durant cette rencontre, soit elle est transmise à un niveau hiérarchique supérieur pour pouvoir être prise en compte.
Protéger l’équipe vis-à-vis d’elle-même et des autres.
Croire que la collaboration sera toujours sereine et conviviale est illusoire. Il y aura toujours des moments de tension. Le manager facilitateur a pour mission de soutenir les décisions de son équipe vis-à-vis des autres acteurs de l’entreprise et de faire en sorte que les collaborateurs qui sont en désaccord au sein de l’équipe trouvent leur solution.
Contrairement au rôle habituellement confié au manager de trouver une solution pour son équipe, le manager facilitateur doit veiller à préserver la posture « Adulte/Adulte » en responsabilisant les membres de l’équipe dans la résolution de leurs désaccords.
Chez Morning Star, les collaborateurs qui sont en désaccord doivent respecter un processus qui prévoit 3 étapes (seuls puis avec l’aide de collègues). Si les parties prenantes ne parviennent pas à trouver de solution, la décision est alors prise de manière unilatérale par la hiérarchie. Chez EDF, les collaborateurs sont invités à déclarer chaque mois leur humeur, ce qui permet d’identifier d’éventuelles tensions pour les traiter.
Valoriser le vécu, ce qui signifie :
- Associer l’équipe dans l’appréciation des résultats atteints, du chemin parcouru, dans l’analyse de l’écart entre ce qui était prévu et ce qui est arrivé afin d’identifier d’éventuels axes d’amélioration pour le futur ;
- Célébrer les réussites mais aussi les erreurs et les échecs de manière à les démystifier, à en tirer les enseignements et les partager avec les autres afin que chacun puisse en bénéficier ;
- Reconnaitre l’engagement, récompenser les collaborateurs au regard de leur niveau d’appropriation de la vision, de l’incarnation des valeurs collaboratives, de leurs contributions ;
- Partager les bonnes pratiques
- Modéliser et mettre en commun ce qui a été appris pour faire progresser l’ensemble de l’entreprise
Dans une entité de la D.S.I.T. d’EDF, les réussites sont affichées sur des écrans de télévision à différents endroits pour que tout le monde puisse en avoir connaissance. Chez Airbnb, l’attribution d’une mesure d’évolution salariale repose pour moitié sur le niveau d’incarnation des valeurs de l’entreprise.
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Quelles sont les différences entre le manager facilitateur et les autres formes de management ?
Si la définition des rôles et missions du manager facilitateur permet de mieux comprendre sa singularité, il est aussi opportun de différencier cette nouvelle forme de management des précédentes, et plus particulièrement avec le manager coach.
Pour ce faire, nous avons pour habitude de nous baser sur les travaux de la Spirale dynamique pour présenter les 6 styles de management :
- Le style paternaliste (le patron)
- Le style directif (le chef)
- Le style bureaucratique (le manager)
- Le style stratégique (le leader)
- Le style collaboratif (le manager coach)
- Le style co-responsable (le manager facilitateur)
Comme le met en évidence l’illustration ci-dessous, la différence majeure entre le manager facilitateur et toutes les autres formes de management concerne la « nature de la relation ».
Contrairement à toutes les autres formes de management basées sur une posture de Parent , la culture co-responsable, conçue pour répondre aux besoins de liberté et d’autonomie, repose sur une relation « Adulte / Adulte » entre les managers et leurs équipes.
C’est la volonté d’instaurer une relation professionnelle où chacun se comporte en adulte et agit de manière responsable à tous les niveaux de l’entreprise qui rend possible l’appropriation de ces nouveaux rôles.
Le tableau ci-dessous clarifie les principales différences entre le manager facilitateur et les précédentes cultures managériales :
Comment instaurer ce nouveau style de management ?
Compte tenu de ce qu’engendre la culture co-responsable en termes de changements de postures et de pratiques collaboratives, l’entreprise à l’initiative de cette transformation culturelle doit préalablement s’assurer que les équipes ont le niveau de maturité suffisant pour s’approprier ces évolutions (le veulent-elles ? S’en sentent-elles capables ?).
La première condition pour faire évoluer les rôles et missions du manager vers de la facilitation repose sur une volonté ferme et sans ambages d’instaurer une relation Adulte/Adulte, ce qui nécessite, non seulement l’existence d’un « contrat collaboratif » tel qu’il est évoqué plus haut, mais aussi un alignement des pratiques et des modalités de reconnaissance et de suivi de l’incarnation de cette nouvelle forme de collaboration par l’ensemble des acteurs.
La seconde condition repose sur l’envie et l’engagement sincère et véritable, non seulement de la part du manager mais aussi de chaque membre de l’équipe de s’approprier la culture de coresponsabilité.
Si tel n’est pas le cas, il semble difficile d’ancrer cette nouvelle forme de management, ce qui n’empêche pas cependant d’adopter partiellement certains rôles ou missions pour une appropriation progressive. Par exemple, il est tout à fait possible d’instaurer un processus de feedback collaboratif dans un environnement encore fortement imprégné d’une culture managériale bureaucratique.
Cependant, si l’entreprise ne peut réformer de manière globale le management, elle devra être vigilante sur l’émergence de « doubles contraintes » et d’injonctions paradoxales pour pouvoir les traiter. Par exemple, prôner l’initiative et l’audace alors que la culture demeure fortement centrée sur la décision bureaucratique hiérarchique risque de générer des frustrations et de la démotivation.
Pour évoluer d’une culture « Parent / Enfant » à « Adulte / Adulte », il est indispensable d’initier ce changement en commençant par accompagner les managers.
L’expérience en matière d’innovation managériale démontre que les collaborateurs s’autorisent à évoluer vers une posture d’Adulte à la condition que leurs managers se la soit préalablement appropriée et en ait fait la démonstration par l’exemple.
A nouveaux rôles, nouvelle posture
Pour que les managers puissent s’approprier ces nouvelles formes de collaboration, ils doivent en premier lieu mettre leur ego de côté et modifier leur relation et la nature des interactions qu’ils auront avec leur équipe.
Le concept des positions de vie de l’Analyse Transactionnelle décrit par Eric Berne est très éclairant sur la nature des relations interpersonnelles que sous-tend la coresponsabilité.
Jusqu’alors, la relation professionnelle dominante du manager reposait sur la position de vie « J’ai raison / Vous avez tort » puisque le manager avait pour rôle principal de prescrire et de contrôler et devait tout savoir sur tout.
Cette position de vie étant incompatible avec le management d’une équipe autonome, les managers devront adopter une nouvelle posture, basée sur la position de vie « Je n’ai pas forcément raison / Vous n’avez pas forcément tort ». S’approprier cette nouvelle posture permet de faire évoluer la nature des relations et d’amener progressivement les collaborateurs (qui le souhaitent) à l’incarner à leur niveau.
C’est à cette condition que le manager pourra, comme l’a mis en avant Théodore Roosevelt « trouver les talents pour faire les choses et réfréner son envie de s’en mêler pendant qu’ils les font » et il semble bien qu’elle ait encore plus de sens avec les nouvelles formes de collaboration induites par la pandémie du Covid-19.
[i] Source : Livre « Donner et prendre. La coopération en entreprise » – Norbert Alter – Éditions La Découverte
[1] Ifop pour Philonomist « Bonheur, sens du travail et raison d’être », janvier 2020
[2] Audencia « Que pensent les Français du management de leur entreprise ? », décembre 2017
[3] Opinion Way, « Être manager fait-il toujours rêver ? », octobre 2018
[4] Opinion Way, « L’état de l’art du management », novembre 2017
[5] Source : “Organizational Preferences and Their Consequences” – Deborah H. Gruenfeld Ph.D. & Larissa Z. Tiedens Ph.D.
[6] Bob Sutton, « Hierarchy is Good. Hierarchy is Essential. And less isn’t always better », 7 avril 2016
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